SNCF : Le fret en friche
Le transport ferroviaire de marchandises traverse une crise profonde, accentuée par l’ouverture à la concurrence, au point que la branche SNCF concernée est menacée de faillite. Un grand paradoxe à l’heure où l’écologie est dans tous les discours.
dans l’hebdo N° 1571 Acheter ce numéro

Trois « fréteux » en chasuble orange fluo promènent leur large carrure dans un paysage désolé. La gare de triage de Villeneuve-Saint-Georges, bouquet de voies ferrées de quatre kilomètres de long, à une quinzaine de kilomètres au sud de Paris, figurait autrefois parmi les plus grandes d’Europe. Elle a pris depuis 2006 des allures de cimetière ferroviaire à ciel ouvert. « C’est de l’accrobranche », ironise Yann Pirolli, représentant du personnel à Villeneuve-Saint-Georges, en écartant les mauvaises herbes qui ont colonisé les voies de cet ancien centre névralgique. « Tout est resté dans son jus, comme si une catastrophe nucléaire avait frappé sans prévenir », soupire à ses côtés Pierre-Olivier Bonfiglio, élu au comité social et économique (CSE) de Fret SNCF, en entrant dans un couloir obscur du centre de contrôle, autrefois « plein de vie », situé au milieu du site.
Villeneuve-Saint-Georges est le témoignage d’une crise en plusieurs actes qui secoue tout le secteur du transport ferroviaire de marchandises depuis vingt ans et plus encore depuis l’ouverture à la concurrence en janvier 2007. Au moment de ce basculement, Fret SNCF, l’ancien service public converti en entreprise privée, est contraint d’aligner ses prix à la baisse pour ne pas perdre les sillons les plus rentables, sur lesquels la concurrence est la plus féroce. C’est la fin d’une « péréquation » qui permettait de compenser les pertes des activités les moins rentables (les « wagons isolés », vendus à l’unité aux entreprises) par des prix élevés sur les segments plus profitables (notamment les