On remet ça quand ?

Cette marche contre l’islamophobie était belle et revigorante. Et, petit plaisir supplémentaire, le parti « socialiste » n’y était pas.

Sébastien Fontenelle  • 13 novembre 2019 abonné·es
On remet ça quand ?
© Antonin Burat / Hans Lucas / AFP

J’écris ces lignes en revenant de la marche parisienne contre l’islamophobie.

Je découvre (sans véritable surprise, car ces gens nous ont de très longue date accoutumé·e·s à leurs scélératesses) qu’après que d’autres (1) l’avaient, en amont, ensevelie sous l’opprobre, un gang de clercs de médias (dont l’inénarrable publiciste Raphaël Enthoven, qui s’est tout récemment produit, en même temps qu’Éric Zemmour, dans une convention d’extrême droite) la présente, après coup, comme une « marche de la honte ». Et que ces fanatiques sont mêmes prêts, pour la disqualifier, à instrumentaliser la lutte contre l’antisémitisme.

Mais tu sais quoi ? En vrai, OSEF – comme disent les pittoresques personnages que nous connaissons sous le nom d’adolescent·e·s. On s’en fiche (2). Parce que cette manif – grâce soit rendue à celles et ceux qui l’ont organisée – était belle. Parce qu’elle était rassérénante et revigorante. Parce que ça fait un bien fou, dans une période où chaque jour apporte son lot d’accablements et de dégoûts, de pouvoir ainsi se compter – et de se compter si nombreux, par dizaines de milliers. (Et d’accueillir, même, quelques traînard·e·s, qui auront parfois été, pour le dire très gentiment, un tout petit peu long·ue·s, ou lent·e·s, à ne plus alimenter, par tel tour ou par tel autre, l’islamophobie même contre laquelle, enfin, ils se décident à se rallier – sans calcul(s) ni opportunisme(s), veut-on croire : mieux vaut tard que jamais !)

Puis parce qu’aussi, petit plaisir supplémentaire, le Parti « socialiste », cette formation (au mieux) résiduelle (et bientôt engloutie, on l’espère, dans un oubli définitif) qui, en même temps qu’elle détricotait les droits des salarié·e·s, aura tant et tant contribué, lorsqu’elle était aux affaires (3), à la stigmatisation des musulman·e·s, n’y était pas. Car son burlesque premier secrétaire, Olivier Faure, avait décrété que cette manif participait d’une « dérive antilaïque et antirépublicaine » – un peu comme si, dans cette matière, son expertise était immense. On remet ça quand ?

(1) Parmi lesquels se trouvaient, comme de juste, MM. Pascal Bruckner et Bernard-Henri Lévy, qui jugeaient, l’un comme l’autre, tout à fait scandaleux que la gauche à peu près complètement réunie ait appelé, puis massivement participé, à ce défilé. Ne pas s’y tromper, cependant : il arrive que ces deux promontoires de la pensée se montrent moins strictement circonspects. Cela fait dix ans, par exemple, qu’ils manifestent, en concert (et, le cas échéant, par des moyens où la dignité n’entre qu’en très petites parts, comme lorsque M. Bruckner amalgame ce qu’il appelle « le maccarthysme néoféministe » avec la persécution des juifs par les nazis), pour la défense de Roman Polanski.

(2) Disons comme ça pour mieux marquer que nous sommes, quant à nous, complètement sorti·e·s de l’adolescence.

(3) Mais jamais autant que sous le terrible règne de MM. Hollande et Valls, qui se sont hissés, dans l’obscénité, jusqu’à de très hautes hauteurs.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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