Venise inondée sombre sous les effets du réchauffement climatique

Les milliards d’euros dépensés pour créer des écluses censées protéger la Cité des Doges se sont révélés inopérantes. Et les dégâts dépassent le milliard

Claude-Marie Vadrot  • 14 novembre 2019
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Venise inondée sombre sous les effets du réchauffement climatique
© Photo : Policiers municipaux sur la place Saint-Marc, le 14 novembre 2019 (Filippo MONTEFORTE / AFP)

La ville de Venise vit une des pires inondations de son histoire alors que depuis 1966, date de sa dernière grande submersion , la Cité des Doges a continué de s’enfoncer sous son poids et les effets dévastateurs de la circulation des énormes navires de croisière, de plus en plus nombreux à faire escale dans le Grand Canal en déplaçant des milliers de tonnes d’eau.

Venise est donc une nouvelle fois envahie par les eaux de l’Adriatique. Une marée exceptionnelle, poussée par les vents, n’épargne aucun quartier et a formé des dizaines d’iles où les habitants et les touristes restent prisonniers. L’aqua alta est d’une telle force cette année que la place Saint-Marc n’a pas échappée à l’eau puisque la vague qui stagne y dépasse parfois une mètre de profondeur et que la basilique qui la borde baigne actuellement dans une nappe boueuse qui n’a pas de précédent ; au point que sa crypte est également inondée et que les scientifiques qui veillent sur le phénomène sans pouvoir intervenir, craignent que l’eau attaque ses structures et déstabilise ses colonnes de soutien.

Monuments en péril

L’inquiétude est d’autant plus vive que l’eau de cette marée est exceptionnellement très salée et ne va pas s’écouler avant plusieurs jours ou semaines et donc stagner longuement dans la cuvette de cette basilique, comme d’ailleurs dans tous les sous-sols de la ville. La situation, pour laquelle la municipalité à demandé la proclamation d’un état d’urgence, est telle que toutes les écoles de Venise ont été fermées pour une durée indéterminée. Les milliers de chaises et de fauteuil qui flottent dans les canaux et la généralisation des accidents de bateau attestent une vie économique et touristique paralysée.

Curieusement, la série de portes et de barrages amovibles qui ont été progressivement installées aux entrées de la lagune depuis 2003 n’a pas fonctionné ou n’a pas réussi à contenir l’eau de cette marée. Pourtant, le dispositif baptisé le MOSE, qui a été testé en 2017, est théoriquement opérationnel. Il aura officiellement coûté 5,5 milliards d’euros mais le vrai chiffre reste inconnu tant la construction a été émaillée de scandales financiers et d’affaires de corruption.

La trop haute marée en cours donne raison aux écologistes et à tous les habitants de Venise qui se sont toujours opposés à ces travaux pharaoniques. Ils demandent que la circulation de tous les bateaux et navires soit réduite et ils expliquent que le MOSE n’a été inventé que par les financiers et les promoteurs du tourisme. Mais surtout ils insistent sur une réalité que les scientifiques viennent de rappeler : Venise est tout simplement la victime, comme d’autres villes côtières, du réchauffement climatique qui provoque la lente mais régulière montée du niveau des mers. Et étant donné la résistance des Etats face à l’urgence de diminuer l’émission des gaz à effet, Venise est à terme condamnée à disparaître.

Ce dimanche 17 novembre, au moment où l’inondation repart pour la troisième fois à l’assaut de Venise, ses responsables et le gouvernement italien se refusent à désigner le réchauffement climatique comme coupable principal, entre les immeubles aux sous-sol ravagés, les infratrueres et les monuments endommagés, le facture des dégats se monte déjà à plus d’un milliard d’euros. Et les habitants qui le peuvent commencent à déménager définitivement.

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