Nicolas Boulte, homme de rêves

Acacia Condès publie la correspondance de cette figure brûlante de Mai 68.

Denis Sieffert  • 22 janvier 2020 abonné·es
Nicolas Boulte, homme de rêves
© STR / AFP

Qui était-il, celui qui, le 22 avril 1974, écrivait : « Je ne peux plus rien pour moi sinon écouter le bruit que fait en moi le silence de mon désespoir » ? Un poète ? Oui, parce que ses lettres font acte de poésie. Oui, parce qu’il était un grand lecteur de Rimbaud, Artaud, Char, Ponge… Non, parce que l’écriture, bien qu’il y excellât, n’était pas son affaire première : Nicolas Boulte était un militant des années de feu, cette décennie rouge qui va de 1965 à 1975.

Mais oui, finalement, parce que politique et poétique rimaient en lui comme un même projet. D’abord l’un des fondateurs des Jeunesses étudiantes chrétiennes puis, en 1968, secrétaire du Comité Vietnam national, puis « établi » comme ouvrier chez Renault, ainsi que le voulait la doctrine « mao », il est de tous les combats, de tous les rêves, et peut-être de toutes les illusions.

Acacia Condès, elle-même femme engagée, pionnière du MLF, publie aujourd’hui ces lettres « buttes-témoins de nos passions d’alors », comme elle l’écrit dans un beau texte liminaire qui est beaucoup plus qu’une préface. Elle en fut la destinataire entre 1970 et 1974, et elle nous fait le cadeau « de les tirer de leur nuit ».

Qui aime la belle langue, celle qui n’est jamais gratuite mais mêle le politique à l’intime et porte en elle le tragique de l’histoire, doit lire cette trace de « nos années brûlantes ». On y trouvera une lucide « tentative de bilan » des années Mao, et toute la détresse d’un homme, ivre d’idéal, qui a préféré quitter ce monde à 30 ans. Mais, dans ce puits de tristesse, on trouvera aussi, si l’on veut bien suivre Acacia Condès, quelques encouragements à mener nos combats d’aujourd’hui.

Nos années brûlantes. Les lettres de Nicolas Boulte (1970-1974), Acacia Condès, L’Harmattan, 190 pages, 18,50 euros.

Littérature
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