Xavier Vigna : « Nous sommes loin d’un climat insurrectionnel »
À la lumière du passé, l’historien Xavier Vigna démonte l’accusation de « violence » portée par le pouvoir contre le mouvement social actuel et analyse les motifs de cette rhétorique.
dans l’hebdo N° 1589 Acheter ce numéro

Depuis plusieurs semaines que dure la mobilisation contre le projet de réforme du système de retraites, disqualifier le mouvement social en le réduisant aux quelques épisodes de rébellion violente dans la rue est une pratique récurrente de la part du pouvoir, de ses soutiens et des classes dominantes – parfois apeurés (comme lors du mouvement des gilets jaunes) par l’ampleur et la force de la contestation qui s’exprime contre les projets régressifs du gouvernement. C’est pourquoi un regard historique sur les mobilisations des dernières décennies apparaît fort utile, non seulement pour les comparer à celles de notre époque, mais surtout pour identifier les invariants accusatoires du pouvoir et du patronat.
Historien spécialiste des mouvements ouvriers, Xavier Vigna (1) analyse ainsi l’emploi de l’expression « climat insurrectionnel », destinée à terrifier en prédisant un embrasement du mouvement.
Beaucoup de journalistes, de représentants du pouvoir et plus généralement de conservateurs évoquent souvent, à propos de ce long mouvement social sur les retraites, un « climat insurrectionnel ». Ce terme vous paraît-il justifié ?
Xavier Vigna : Non, absolument pas ! Un climat insurrectionnel supposerait deux éléments : d’une part, une violence massive et généralisée ; d’autre part, la volonté de s’en prendre directement au pouvoir ou à ses représentants. Or aucun de ces deux éléments n’est présent. Le mouvement sur les retraites a connu de très rares épisodes violents, essentiellement