« Ceux qui peuvent encore travailler ne comptent pas leurs heures »
Aujourd’hui dans #lesdéconfinés, Pierre*, journaliste reporter d’images dans un groupe de télévision, continue reportages et duplex dans une rédaction décimée.
Entre les malades, ceux qui ont été en contact avec les malades, les parents sans solution de garde et les personnes à risque, la rédaction s’est réduite à peau de chagrin. Et pourtant, chaque jour, il faut produire plusieurs nouvelles éditions, 100% coronavirus. Alors ceux qui peuvent encore travailler ne comptent pas leurs heures.
Pour entrer dans la rédaction, il faut saisir le petit thermomètre à disposition et le placer près du front. S’il indique une température supérieure à 38°, on ne rentre pas. Enfin, en théorie, car l’objet est capricieux. Il aurait estimé la température de certains à 30°… Le gel hydro-alcoolique coule à flots. À l’entrée, dans les ascenseurs, dans les couloirs, il n’y a qu’à se servir.
Vivre une période historique de l’intérieur
Nous n’avons pas d’autre choix que de nous tenir à plus d’un mètre des personnes interrogées, le micro surmonté d’une charlotte jetable. À l’écran, ce n’est pas très esthétique, mais ça protège. Quant au matériel de tournage, n’étant pas individuel, il faut le désinfecter soi-même avec des lingettes.
Pour nous rendre sur les lieux de tournage, nous utilisons la voiture. Le passager va à l’arrière, pour tenter de respecter le mètre de distance, mais cela est-il suffisant ?
Souvent, les personnes confinées ne souhaitent pas nous recevoir, on se tourne alors vers Skype ou les appels téléphoniques, avec les soucis techniques que cela peut engendrer.
Malgré les conditions difficiles, on retire une vraie fierté du travail accompli tous ensemble à la fin de la journée. Cette crise sanitaire nous stresse beaucoup, car toutes nos journées tournent autour du coronavirus. Mais les circonstances nous procurent aussi l’impression de vivre une période historique de l’intérieur.
Il y aussi un côté agréable. Le matin, prendre le métro comme d’habitude mais sillonner Paris et sa région sous un ciel bleu d’une pureté jamais vue, entendre les oiseaux dans les rues désertes.
*Le prénom a été modifié.
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