Coronavirus : Le révélateur des maux italiens

Premier pays européen frappé, l’Italie a pris des mesures inédites. Mais l’intensité de l’épidémie met en exergue les faiblesses de son système de santé et les inégalités entre Nord et Sud.

Olivier Doubre  • 11 mars 2020 abonné·es
Coronavirus : Le révélateur des maux italiens
© ELIANO IMPERATO / Controluce / AFP

L’image peut sembler caricaturale pour l’Italie. Toutefois, le sentiment d’un exécutif tâtonnant, dans une sorte de flottement face à cette situation évidemment exceptionnelle, est inévitable lorsque le président du Conseil, Giuseppe Conte, annonce sa décision de mise en confinement de la Lombardie et de vingt autres provinces septentrionales du pays, lors d’une conférence de presse organisée dans la nuit de samedi à dimanche 8 mars, à… 2 heures du matin ! Déjà, vendredi 6 mars, un décret était publié ouvrant les crédits en vue de l’embauche de 20 000 personnels soignants supplémentaires pour pallier l’urgence et faire face au nombre de cas en augmentation exponentielle, de jour en jour. Un objectif purement théorique, vu l’absence actuelle de candidatures pour ces postes. Sans même évoquer le manque de lits et de matériels adéquats…

Le gouvernement italien vient d’annoncer, de nouveau tard dans la soirée du lundi 9 mars, sa décision d’élargir la « zone rouge » à l’ensemble du pays (plus de 65 millions d’habitants), des Alpes à la Sicile, de la frontière autrichienne à la Sardaigne. Musées, cinémas, théâtres, salles de sport, stades (avec le championnat de foot interrompu), bars et restaurants, à partir de 18 heures, sont tous fermés ; contrairement aux supermarchés qui, déjà, sont pris d’assaut par une population apeurée, multipliant les stocks de nourriture, savon, produits d’entretien, en prévision – mais aussi causant – de rapides pénuries.

Avec près de 10 000 cas et déjà près 500 décès (soit près de 90 % des morts du Covid-19 en Europe), l’Italie, troisième pays du monde en nombre de personnes contaminées, fait ainsi face à une urgence sanitaire que peu de nations ont eu à affronter, depuis peut-être la terrible grippe espagnole qui décima une partie de la population mondiale au sortir de la saignée de 1914-1918. Avec presque cent morts pour le seul 9 mars, il souffle un vent de panique au sein de sa population, auquel le gouvernement se doit de réagir, dans un État beaucoup moins présent et moins interventionniste qu’en France.

Par ailleurs, de nombreuses prisons connaissent des émeutes et des mutineries, du nord au sud du pays. Les détenus, outre de dénoncer des conditions de détention connues de longue date pour être aussi exécrables que celles des prisons françaises, se révoltent contre la suspension des parloirs avec leur famille, adoptée en prévention de la contagion potentielle. Mais ils s’insurgent aussi, parallèlement à cette décision, contre l’absence de mesures de prévention sanitaire effectives dans ce milieu par définition fermé, en état de surpopulation frôlant parfois les 200%, rendant totalement impossible l’application des mesures de prévention répétées sans cesse dans les médias – notamment la fameuse distance d’un mètre entre individus, impossible à respecter. D’aucuns avancent aussi l’hypothèse que cette suspension des parloirs empêcherait l’introduction du cannabis ou d’autres drogues dans les prisons, qui auraient une fonction anxiolytique importante. On dénombrait ainsi sept morts à la prison de Modène, la première à s’être révoltée, non pas dues au coronavirus, mais par des overdoses de méthadone et autres substances psychoactives ingérées en quantité après avoir été dérobées à la pharmacie de l’établissement.

Au-delà des problèmes concrets pour faire respecter l’interdiction d’entrer, de circuler au sein (et de sortir) des zones confinées, étendues maintenant à l’ensemble de la péninsule, le fait que l’Italie soit autant frappée par cette épidémie interroge sur l’état de son système sanitaire, trop souvent dénoncé comme reposant sur une médecine à deux vitesses. Et l’on ne peut que noter combien la mise en quarantaine (initiale) du nord du pays illustre d’abord les inégalités territoriales économiques d’une Botte coupée en deux, le gouvernement avouant même (à demi-mots) sa crainte de devoir constater – et donc affronter – d’immenses difficultés pour les hôpitaux du Mezzogiorno face à un afflux massif et soudain de patients, quand tout le monde sait que les Méridionaux malades les plus fortunés vont sans hésiter se faire soigner à Milan, Venise, Florence ou Turin, quand ce n’est pas à l’étranger. Car le « problème », évidemment, est qu’un virus infecte riches et pauvres. Indistinctement…

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