Le bio, le coronavirus et le retour à l’alimentation locale

Le rapport à la bouffe, aux paysans et aux marchés est entrain de changer.

Claude-Marie Vadrot  • 16 avril 2020
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Le bio, le coronavirus et le retour à l’alimentation locale
Photo : Philippe Giraud / Biosgarden / Biosphoto via AFP

Tandis que les politiques, dont Emmanuel Macron, et le Medef jouent à se (nous) faire peur en annonçant une reprise économique qui serait à la fois coûteuse et difficile, une partie de la population découvre une nouvelle façon de s’alimenter. Avec les AMAP, les achats à la ferme et les multiples circuits courts. Comme un espoir pour nos lendemains.

Premier signe : alors que le recours massif aux produits bio n’est hélas pourtant d’aucune utilité pour échapper au Coronavirus. Ce choix alimentaire monte en puissance dans toute la France dans la plupart des départements métropolitains, que cela soit sur les marchés et dans les magasins spécialisés. Comme une sorte de réflexe de précaution qui ne se verbalise pas. Une évolution qui va de pair, d’après les enquêtes, avec le recours à la généralisation des repas familiaux préparés à la maison. Les femmes et les hommes se retrouvent en cuisine où ils découvrent des légumes anciens ou qui n’ont pas subi la conservation industrielle et ses conservateurs aux noms trop mystérieux pour être honnêtes. Tout le monde ne commande pas des pizzas en mettant en danger leurs livreurs mal payés.

Ces deux indicateurs d’une évolution passionnante que nul n’avait imaginée ou prévue se complète logiquement par la découverte ou la redécouverte de l’intérêt de la consommation locale et de proximité que les paysans de la Confédération Paysanne encouragent alors que les hiérarques de la FNSEA, le syndicat dominant, n’y fait aucune allusion, prisonnier de « l’agriculture bashing » le slogan que ses communicants ont inventé il y a quelques mois pour faire oublier leurs usages des pesticides. Dans les exploitations maraîchères, dans les fermes et sur les marchés de plein air heureusement en partie de retour, malgré l’opposition de nombreux maires, les conversations se nouent et se prolongent entre les paysans et les confinés qui découvrent que faire pousser des plantes rend service à tout le monde. Comme une redécouverte qui n’est pas vraiment surprenante puisqu’une récente (2019) enquête de l’IFOP a fait apparaître que 63 % des Français avait accès à un jardin.

De nombreux quartiers populaires et les classes moyennes se confondent dans la pratique facile d’une culture vivrière. Et les Français qui sont vilipendés par le Pouvoir pour avoir quitté les villes au profit de la campagne proche ou lointaine, ne sont pas les « fuyards » partant en vacances dénoncés par les ministres, des journalistes ou des maires, mais majoritairement des jardiniers amateurs ou des gens qui ont décidé d’enfin « retourner » et bêcher leurs pelouses pour y planter des légumes ou des arbres fruitiers, cherchant auprès des ruraux, à retrouver des pratiques de base qu’ils ont oubliées ou toujours ignorées. Puis découvrant que des radis poussent en quelques semaines, ils persévèrent.

Du bio aux jardins en passant souvent par la découverte des oiseaux, un nombre difficile à quantifier de Français, chez eux ou en famille, renouent avec la connaissance de la nature et de son fonctionnement. S’il se poursuit, ce retour, même partiel, même maladroit et semé d’embûches est peut être en train de transformer les consciences et les pratiques d’une majorité. Tout le monde en parle, en ville et dans les campagnes. Espoir d’un autre monde.

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