« Le travail n’a pas changé pour nous pendant cette période de confinement »

Aujourd’hui, dans #LesDéconfinés, Luis, agent de nettoyage à l’aéroport de Roissy. Sans informations, sans gants ni masque, il s’inquiète pour sa santé mais aussi sur ses revenus à venir, ne sachant pas s’il touchera la prime de 1.000 euros promise à celles et ceux qui continuent à travailler pendant le confinement.

Nolwenn Weiler (Basta!)  • 19 avril 2020
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« Le travail n’a pas changé pour nous pendant cette période de confinement »
© PHOTO: ALAIN PITTON / NURPHOTO / AFP

Je fais du nettoyage à l’aéroport de Roissy, dans la zone de fret (transport de marchandises, NDLR). Je suis à temps partiel, et travaille tous les jours de 7 heures à 12 heures. Pour venir depuis Paris, où j’habite, je prends le métro, puis le RER et enfin le bus. En ce moment, il n’y a pas beaucoup de bus, j’attends beaucoup. Il me faut presque 1h30 pour arriver à Roissy. Je pars de chez moi à 5h30. Je rentre vers 14h, puis je repars pour mon second emploi : auxiliaire de vie auprès de personnes âgées malades.

#Lesdéconfinés, une série de témoignages sur le travail et les nouvelles solidarités pendant le confinement. Nous cherchons des témoignages de personnes qui ne vivent pas leur confinement comme tout le monde. Si vous êtes obligés de sortir pour travailler ou si vous devez sortir pour créer de nouvelles solidarités (association, voisinage), racontez-nous votre expérience et envoyez-nous un mail. (Témoignage publié le 10 avril sur Bastamag.net)

À Roissy, il n’y a pas beaucoup de monde en ce moment. Sur les trois bâtiments dont j’ai la charge habituellement, je ne m’occupe que de deux. Mon travail, c’est de vider les poubelles. Je retire les sacs pleins, je les emmène dans un compacteur situé à l’extérieur du bâtiment. Une autre société se charge ensuite de récupérer la benne pleine et d’en mettre une nouvelle. Je dois aussi remettre de nouveaux sacs à chaque fois. On est quatre en tout à faire le ménage dans ces bâtiments. J’ai un collègue qui balaye et lave les sols. Deux femmes ont la charge des toilettes.

Le travail n’a pas changé pour nous pendant cette période de confinement. La seule différence, c’est qu’on n’a plus le droit de se doucher sur place. Mais la société ne nous a donné aucune information. Nous n’avons pas eu de permis pour avoir le droit de circuler. Elle ne nous a donné ni gants ni masques. Je me sens inquiet, bien sûr, puisque je manipule des déchets tous les jours ! Heureusement pour moi, la société pour laquelle je travaille comme auxiliaire de vie est plus correcte et me fournit des gants et des masques dont je me sers le matin, pour faire le nettoyage à l’aéroport. Je mets aussi mon masque dans les transports en commun.

Depuis les premiers jours d’avril, j’ai remarqué qu’il y a plus de monde dans les transports en commun. Dès le matin à 6 heures, les wagons sont plus remplis qu’avant. Ce sont principalement des gens qui font le nettoyage, comme moi, et qui ont repris le travail. L’après-midi, je vois aussi beaucoup de gens qui font la manche puisque toutes les associations, ou en tout cas beaucoup d’entre elles, ont arrêté de distribuer de la nourriture.

Je me pose des questions sur la prime pour les personnes qui continuent à travailler pendant la crise du coronavirus. La société pour laquelle je travaille dans l’aide à la personne m’a dit que si je fais 60 heures dans le mois, j’aurai droit à 50 euros. Et si je travaille plus de 60 heures, ce sera 100 euros. Je n’ai pas trop compris parce que le gouvernement a parlé d’une prime de 1000 euros. J’aimerais bien que notre employeur nous informe sur tout cela. Nous nous sentons tous un peu inquiets parce que nous ne savons rien, ni pour préserver notre santé, ni sur le revenu que l’on va toucher.

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