Yanomami : voir et revoir Claudia Andujar

Notre Voyage autour de nos chambres #33 se faufile à la Fondation Cartier, qui nous ouvre une fenêtre sur le travail de la photographe Claudia Andujar auprès des Yanomami, dont la magistrale exposition qui lui est consacrée devait être visible jusqu’au 10 mai.

Patrick Piro  • 23 avril 2020
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Yanomami : voir et revoir Claudia Andujar
© Cérémonie rituelle reahu chez les Yanomami. Photos : Claudia Andujar (sauf son portrait, par Victor Moriyama)

Nous nous étions promis d’y retourner afin d’approfondir la visite, tant l’exposition est riche et profonde. Le travail de la photographe brésilienne Claudia Andujar sur les indiens Yanomami connaissait un grand engouement jusqu’à ce que le confinement en frustre nombre de personnes.

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Belle initiative, la Fondation Cartier pour l’art contemporain a mis en ligne une partie du matériel exposé. Non pas une visite réduite de l’exposition (voir le guide), dont l’impact visuel n’est pas (heureusement) reproductible sur écran, mais une rencontre de l’auteure et sa démarche, plus intime que dans l’espace du musée, submergé par la puissance onirique de ses clichés. En particulier, le rapport de Claudia Andujar avec l’image y est très perceptible.

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Fuyant son Europe natale avec sa mère, sa famille paternelle juive ayant été exterminée par les nazis, elle échoue au Brésil, où la photographie lui sera un vecteur de communication avec les gens – elle ne parle pas (encore) le portugais. À 40 ans, sa rencontre avec le peuple amazonien yanomami va déterminer le reste de sa vie. Là encore, l’appareil établit le contact mais la photo va bien plus loin. La documentariste-journaliste se fait artiste et anthropologue.

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Avec un étonnant prolongement réciproque : elle apporte du papier et des feutres, et trois Yanomami accepteront de dessiner (une découverte) leur représentation de la mort et du voyage de l’esprit. Puis la Claudia Andujar militante : son engagement radical, soutenu par le poids de ses images, a contribué de manière décisive à la démarcation du territoire des Yanomami, essentielle à leur protection.

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Le site est parsemé d’extraits audiovisuels de son témoignage. Années 1970, la dictature militaire saigne la forêt pour entreprendre la route transamazonienne. « Naturellement, les Indiens n’ont rien compris à cela. Des maladies ont pénétré le territoire. Beaucoup de Yanomami sont tombés malades, sans secours ni médecins. Des villages entiers sont morts… » L’écho est fort aujourd’hui, alors que le Covid-19 a commencé à toucher les Yanomami et d’autres tribus indiennes.

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Parmi les événements tenus lors du lancement de l’exposition à la Fondation Cartier, l’exceptionnelle « Nuit Yanomami » a été intégralement captée. Avec Claudia Andujar se trouvaient les principaux compagnons de ce demi-siècle de lutte pour la survie de ce peuple : le missionnaire Carlo Zacquini, l’anthropologue Bruce Albert, Thyago Nogueira de l’Instituto Moreira Salles (Brésil), grand partenaire de la photographe qui a gardé la trace de précédentes expositions consacrées à la photographe.

Mais aussi Dario Kopenawa, vice-président de l’association Hutukara Yanomami, et surtout Davi Kopenawa, chaman et porte-parole des Yanomami, haute stature dont la colère envers les Blancs traverse l’émouvante trajectoire de vie.

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Culture
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