Comment évoluer vers un tourisme durable après le Covid-19 ?

Dans #DéconfinonsLesIdées, on aborde le tourisme durable avec l’analyse de Guillaume Cromer, président des Acteurs du tourisme durable. Selon lui, la crise doit donner lieu à une vraie refonte du modèle touristique avec moins de croissance, moins de carbone, et plus de lien social.

Marie Toulgoat  • 28 mai 2020
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Comment évoluer vers un tourisme durable après le Covid-19 ?
© PHOTO : PHILIPPE ROY / AURIMAGES VIA AFP

En France comme dans le monde, la pandémie de coronavirus a marqué un véritable coup d’arrêt pour le secteur du tourisme. Et pour soutenir ce secteur qui représentait en 2018 7,4% du PIB et 2 millions d’emplois, le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé, le 14 mars, un plan d’urgence de 18 milliards d’euros pour relancer le secteur.

Même si l’activité touristique est encouragée à repartir, le coronavirus a réveillé les consciences sur le tourisme de masse. Les Français sont-ils prêts à reprendre leurs anciennes habitudes de voyage ? En 2018, c’est plus du quart des Français·es qui s’étaient rendu·es à l’étranger.

Tous les pays veulent une grande croissance du tourisme, y compris la France, qui attendait 100 millions de touristes internationaux cette année, mais sans prendre en considération la question carbone. Signer l’accord de Paris et vouloir en même temps plus de tourisme, ça pose un problème dans l’équation.

Pour Guillaume Cromer, président des Acteurs du tourisme durable, la crise sanitaire doit être l’occasion d’une réinvention du tourisme, pour qu’il soit créateur de liens et respectueux de l’environnement.

Dans un manifeste publié en ligne le 28 avril 2020, les Acteurs du tourisme durable ont proposé une série de points d’action pour un tourisme moins foisonnant, mais synonyme de qualité. Au programme : tendre vers la sobriété carbone, miser sur l’entraide et la justice sociale, encourager les retombées économiques locales et recréer un tourisme de sens. Une refonte totale du système à mille lieues du modèle de masse qui faisait foi avant la crise, qui ne pourra pas se faire sans l’intervention des pouvoirs publics, note Guillaume Cromer.

Un engagement politique est nécessaire. Il faut que la France, l’Europe portent une vraie ambition sur cette question du tourisme d’après durable. Quand on discute avec le gouvernement, on nous indique que la voie à suivre est celle d’une croissance verte. Mais ce n’est pas suffisant, il faudra inévitablement réduire le flux touristique un jour.

Concrètement, à quoi ressembleront les vacances des Français·es dans cinq où dix ans ? Des voyages de proximité, où on se déplacera en train grâce une Europe maillée de voies ferrées, où on logera dans des habitations engagées et où la connexion avec les habitant·es, parfois victimes du tourisme de masse, sera désormais au cœur de l’expérience. « Ce modèle, si on travaille avec des circuits courts en local, permettra de vraies retombées économiques bénéfiques sur les territoires, et non au profit de grands groupes », note Guillaume Cromer.

Commencer à anticiper dès maintenant

Un modèle durable possible, à condition de commencer à l’anticiper et d’utiliser le coronavirus pour repartir sur des bases saines. « Il faut commencer dès maintenant à adapter les formations des écoles de tourisme, pour adapter les compétences et anticiper les changements à venir », propose Guillaume Cromer.

Pour que ce modèle durable se mette en place, estime Guillaume Cromer, il est inutile d’attendre que les consommateurs et consommatrices fassent le premier pas. Si certain·es souhaitent voir le secteur évoluer, c’est un remodelage systémique qui doit s’engager.

Si on ne change pas l’architecture même du système, rien ne va changer. Certains diront que réduire les vols en avion, par exemple, c’est liberticide. Mais ce n’est pas acceptable que certaines personnes aient un bilan carbone qui dépasse 10 tonnes par an, tout ça pour le loisir.

Selon le calculateur de la Direction générale de l’aviation civile, un aller simple en avion de Paris à Barcelone représente environ 100 kilos d’émission de gaz à effet de serre par passager. Un Paris-New York représente environ 500 kilos. « La liberté se termine là où commence la finitude de la planète », conclut le président de l’association.

Idées
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