Résister au flot

La crise du Covid impacte chaque journaliste et toutes les rubriques.

Gilles Wullus  • 6 mai 2020
Partager :
Résister au flot
© Photo : Bertrand GUAY / AFP

Septième numéro de Politis déjà le depuis le début du confinement. L’avant nous paraît très lointain, et pourtant on a l’impression que c’était hier. L’intensité, le rythme du moment, de « l’actu », dans notre jargon journalistique, distord le temps, on le sait. L’emballement à couvrir un phénomène majeur happe l’énergie et la pensée, d’autant qu’avec la crise du Covid chaque journaliste est touché car elle impacte toutes les rubriques, tous les sujets, et ce depuis presque deux mois.

Elle déforme aussi notre spectre d’observation, puisque nous nous concentrons sur le plus crucial, le plus pressant. Même si Politis a choisi depuis toujours d’incarner un journalisme de profondeur, engagé à fouiller les ressorts et les tréfonds des événements plutôt qu’à les décrire, à mettre au jour des pensées et des vécus ignorés par les médias suivistes et d’abord soucieux d’« audience », nos forces certes déterminées restent modestes, et quand vient le moment de faire des choix, nous regardons d’abord ce qui nous semble vital : le destin des personnes les plus précaires, la défense des salarié·es, les rapports de force politique, idéologique et sociologique dans notre pays. Ce qui fait Politis.

Tâche déjà immense, et qui détourne notre regard de réalités qui mériteraient plus d’attention. Avec le temps, l’expérience, nous avons appris à résister aux agitateurs de chiffons. Au hasard du flot de nos lectures, on a souvent l’intuition de bons sujets de « papiers », on en discute entre nous souvent, mais finalement l’idée n’aboutit pas à un article, faute de pouvoir tout faire. Nous résistons en permanence à la tentation du rythme imposé (par le gouvernement, par les intérêts économiques…), de ce qui doit « faire actualité » ; ce temps est essentiel pour qui veut gratter le vernis, ne pas lire ou s’informer en surface. Imposer le temps, c’est imposer un rythme et réduire notre capacité de réflexion, de critique et de révolte.

Dans notre métier, nous sommes privilégiés, à la fois parce que nous pouvons l’accomplir en télétravail et que la crise crée un besoin accru d’informations. Pour autant, ce moment historique nous laisse face à nos limites. Manquons-nous des faits importants ? Regardons-nous dans la bonne direction ? Le confinement lui-même a-t-il un impact sur notre acuité ? C’est par le travail en équipe qu’on réussit à surmonter ces questionnements, en pensant aussi contre nous-mêmes. Et par les retours de celles et ceux qui nous lisent, même quand c’est pour exprimer des regrets que nous n’ayons pas traité tel ou tel sujet. En attendant, le retour à la normale (voire à l’anormal) n’est pas pour demain, ni pour le 11 mai. Continuez à nous suivre sur Politis.fr, plus riche que jamais. Lisez-nous, écrivez-nous.

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Course de voiliers au large : l’aventure dans le typhon capitaliste
Parti pris 14 novembre 2025

Course de voiliers au large : l’aventure dans le typhon capitaliste

Le 6 novembre, en Martinique, le premier voilier de la Transat Café L’Or, traversée de l’Atlantique en double, a passé la ligne d’arrivée. Entre prouesses technologiques et budgets colossaux, la course au large est devenue une vitrine du capitalisme, où les skippers naviguent davantage sur les chiffres que sur l’océan.
Par Caroline Baude
Budget : l’impasse stratégique du parti socialiste
Parti pris 12 novembre 2025

Budget : l’impasse stratégique du parti socialiste

L’article sur la suspension de la réforme des retraites du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera examiné ce 12 novembre à l’Assemblée. Le PS, en quête d’un moment de gloire politique, a opté pour la stratégie de la magouille en votant pour la partie recettes du PLFSS dimanche dernier.
Par Lucas Sarafian et Pierre Jequier-Zalc
1995 : une révolte fondatrice
Luttes sociales 5 novembre 2025

1995 : une révolte fondatrice

Le mouvement social 1995 fut à la fois une victoire sociale et un basculement politique. Entre la résignation et la résistance, un monde s’est dessiné et nous vivons encore dans son sillage.
Par Benoît Teste et Pierre Jacquemain
Mamdani, la gauche qui réconcilie radicalité et réel
Parti pris 5 novembre 2025

Mamdani, la gauche qui réconcilie radicalité et réel

L’élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York relève du séisme politique. Dans la ville la plus chère du monde, bastion du capitalisme financier, les nombreux électeurs ont porté au pouvoir un maire issu de la gauche de gauche, musulman, cible d’une campagne d’islamophobie médiatique jusqu’en France. Au-delà du symbole, cette victoire incarne le retour d’une gauche concrète et populaire.
Par Pierre Jacquemain