« Kongo » : Filmer l’invisible

Dans Kongo, un guérisseur travaille avec les esprits.

Christophe Kantcheff  • 17 juin 2020 abonné·es
« Kongo » : Filmer l’invisible
© Photo : Pyramide Films

Comment filmer l’invisible ? Kongo apporte des réponses à cette question épineuse. Le documentaire de Corto Vaclav et Hadrien La Vapeur a un héros principal : l’apôtre Médard, guérisseur à Brazzaville. Celui-ci gère un lieu de culte où il reçoit des malades de toutes sortes. Sa méthode ? L’exorcisme. Médard chasse les mauvais esprits qui se sont emparés d’un être et les capture dans des bouteilles en plastique. Il extrait aussi des plombs d’une plaie tout en expliquant à la victime que ce sont des diables qui ont provoqué les tirs.

Attention : Médard est un bienfaiteur. Dans son quartier de Brazzaville, il est respecté, aimé. Et il est désintéressé. Il se rend sur la tombe de sa mère défunte pour qu’elle lui vienne en aide : les malades qu’il traite sont des pauvres qui peuvent à peine lui donner le sou.

Filmer l’invisible, pour Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav, c’est d’abord filmer la transe. Mais pas seulement. Dans la religion Ngunza, dont Médard est un adepte, un culte est voué aux génies de la nature. Or Kongo comporte un coup de théâtre : Médard est accusé de pratiquer la magie noire et doit comparaître devant un tribunal. Il cherche alors secours auprès de ses amies les sirènes, qui ont elles-mêmes besoin de lui : un énorme chantier conduit par des Chinois menace de détruire l’embouchure de la rivière qu’elles « habitent ». Ce lien entre Médard et les sirènes est une des belles histoires du film. Il va à leur rencontre, communie dans l’eau avec elles.

Ce sont deux Afrique qui apparaissent alors dans le plan. Celle, ultra-contemporaine, investie par les capitaux et les industries chinoises ; une autre, ancestrale, qui résiste et perdure. Kongo, loin de tout pittoresque, dans la lignée d’un Jean Rouch, montre non seulement l’invisible mais aussi cette Afrique que l’on voit trop peu.

Kongo, Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav, 1 h 10.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes