« Né à Jérusalem », de Yossi Atia : Suivez le guide !

Né à Jérusalem (et toujours vivant) mêle le tragique et la légèreté en évoquant le douloureux souvenir des attentats qui endeuillèrent la ville.

Christophe Kantcheff  • 22 juillet 2020 abonné·es
« Né à Jérusalem », de Yossi Atia : Suivez le guide !
© Shai Goldman

Ronen, un Israélien habitant Jérusalem, entend le discours tenu par une guide pour touristes à propos de la rue où le groupe se trouve. Il s’agit de la rue Jaffa, où il est né. La guide entretient la légende, édulcorant l’histoire. Ronen, choqué, ne peut s’empêcher d’intervenir pour dire la vérité : cette rue a connu le plus grand nombre d’attentats au monde.

À la suite de cet incident, Ronen décide de mettre sur pied une visite de la rue Jaffa, allant d’une plaque mémorielle à l’autre, lui-même faisant office de guide. On ne sait trop de quoi il vit, mais ce ne sera pas de cette initiative. Elle doit être gratuite, c’est pour lui un impératif moral : on ne gagne pas d’argent sur le dos des morts.

Deux Japonais se présentent pour la première visite. Il y a quelque chose de burlesque dans ce trio en pèlerinage : deux Asiatiques a priori bien loin de la réalité israélienne et un garçon aux allures d’étudiant attardé, qui a grandi dans cette rue même. Or c’est bien là l’esprit de Né à Jérusalem (et toujours vivant) : le mélange entre le tragique des attentats et une certaine (auto) dérision, entre le récit de la violence aveugle et les souvenirs personnels. À quoi s’ajoute la coexistence de l’évocation des meurtres et de la vie quotidienne qui se déroule indifféremment tout autour. En effet, les petits groupes menés par Ronen se faufilent entre la circulation dense et les étals des commerçants, la rue étant extrêmement animée.

Ce contraste entre tragique et légèreté fait irrésistiblement songer au cinéma d’Avi Mograbi, même si la dimension politique, ici, est moindre. Le nom « palestinien » n’est qu’une ou deux fois prononcé au sujet des kamikazes venus se faire exploser. Car c’est davantage la mémoire des morts et du sang versé que le film interroge, et la façon de perpétuer celle-ci.

Cette mémoire ne laisse pas Ronen tranquille. Son discours rodé est une forme de protection. Il a du mal à accepter l’imprévu : par exemple, qu’une touriste tombe amoureuse de lui (en vérité, elle est israélienne, ce qui provoque chez lui cette repartie : « Je ne fais la visite que pour les touristes ; les Israéliens veulent toujours avoir raison. ») Mais cet amour est une chance pour le faire sortir de ses rails. Et pour que ses visites ne perdent pas leur âme, ne deviennent pas ce contre quoi il s’était au début justement rebellé. Ce premier long métrage de Yossi Atia (qui interprète également Ronen) et David Ofek est décidément très juste sur les aléas d’une mémoire vivante.

Né à Jérusalem (et toujours vivant), Yossi Atia et David Ofek, 1 h 23.

Cinéma
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