Pays basque : « Nous n’avons pas fait la paix pour laisser des gens mourir en prison »
La résolution du conflit, marquée par l’autodissolution de l’ETA en mai 2018, est bloquée par les États français et espagnol, qui empêchent les libérations de prisonniers. Et créent de nouvelles tensions.
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© ANDER GILLENEA/AFP
C’était il y a un peu plus de deux ans : le 2 mai 2018, l’organisation séparatiste ETA (Euskadi Ta Askatasuna, « Pays basque et liberté »), après soixante années d’existence, disparaissait définitivement au terme d’un processus de paix inédit. Commencée en 2011 au palais d’Aiete à Saint-Sébastien en présence de personnalités internationales de premier rang – dont Gerry Adams et Kofi Annan – mais sans les États français et espagnol, cette dynamique a posé pendant près d’une décennie les bases de la fin de la violence politique au Pays basque. Malgré le manque de bonne volonté flagrant de Madrid et de Paris dans ce dossier – égratignés pour avoir entravé le processus à plusieurs reprises, les premiers points de la feuille de la route d’Aiete ont été menés à bien : la déclaration de cessez-le-feu permanent et vérifiable en 2011, la remise de l’arsenal militaire de l’organisation le 8 avril 2018 et son autodissolution le 2 mai de la même année en étaient des points cruciaux.
Alors qu’aux yeux des deux États la partie semble gagnée, les acteurs et les actrices de la fin de ce conflit armé tirent le signal d’alarme. Les feuilles de route – qui ne s’arrêtent pas à la dissolution de l’ETA – sont au point mort, les tensions toujours vives. Pire, depuis le début de l’année 2020, un regain de crispations est constaté des deux côtés de la frontière. En cause, le sort des quelque 240 prisonniers basques -toujours soumis aux mesures d’exception. « Nous n’avons pas fait un processus de paix pour laisser des gens mourir en prison », clame le mouvement civil Bake Bidea (le Chemin de la paix), qui a porté la pacification du Pays basque à bout de bras ces dernières années. Là est bien tout l’enjeu : depuis le début du processus de paix, plusieurs prisonniers sont morts en prison, et de très nombreux autres qui seraient libérables sont maintenus derrière les barreaux en Espagne comme en France.
Commando ArgalaC’est en France que se joue depuis quelques mois un nouvel acte de cette crise de nerfs pénitentiaire. Trois des membres du commando Argala, à l’aube de leur 30e année d’incarcération, ont vu successivement leurs espoirs de libération s’envoler. Condamnés à la perpétuité par la justice française pour des faits commis en Espagne entre 1978 et 1989, Ion Parot, Jakes Esnal et Frédéric Haramboure, tous trois citoyens français âgés aujourd’hui de 66 à 70 ans, ont vu le parquet faire appel de la décision du tribunal de l’application des peines (TAP), qui s’était prononcé en amont de manière favorable à leur libération conditionnelle.
Maritxu Paulus Basurko, avocate de Jakes Esnal et Frédéric Haramboure, explique : « La décision du TAP est très importante car, en plus de pointer cette longue durée de détention, elle prend enfin acte de l’évolution de la situation politique avec la dissolution de l’ETA, et donc du risque infiniment minime de récidive. Le TAP reprend bien toutes les phases du processus de paix, de la fin de la lutte armée à la remise des armes en passant par la dissolution de l’organisation. »
Alors que le parquet antiterroriste prononce son appel, la surprise
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