Au Liban, l’inquiétude ronge les camps palestiniens
Déjà frappés par la crise économique et l’épidémie de Covid-19, les réfugiés sont dans une situation encore plus critique à l’heure où tout vient à manquer dans le pays.
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© JOSEPH EID/AFP
Un mur de séparation, un mirador, un check-point, des véhicules à l’arrêt. De l’autre côté du poste de contrôle, des dizaines de milliers de Palestiniens, entassés sur une superficie de 1,5 kilomètre carré. Contrairement aux apparences, nous ne sommes pas en Cisjordanie, mais bien au Liban. Bienvenue à Ain El-Hilweh, le plus grand camp de réfugiés palestiniens du pays, situé en périphérie de la ville portuaire de Saïda.
En cette après-midi de juillet, la chaleur est accablante. À l’intérieur du camp, de nombreux commerces ont définitivement baissé le rideau. L’activité est au ralenti, la fatigue se lit sur les visages. « Tout ce qui se passe au Liban a forcément un impact sur nous », lâche Youssef Rabbeh, 30 ans. Comme près de la moitié des Palestiniens du Liban, le jeune homme est au chômage, et ses perspectives d’avenir sont peu réjouissantes.
Les douze camps palestiniens que compte le pays (1) ont mauvaise presse : ils sont perçus comme des lieux extrêmement dangereux, où l’immense majorité des Libanais ne pénètre sous aucun prétexte. Ain El-Hilweh est souvent présenté comme « le pire du pire ». Le camp, où s’entassent plus de 70 000 personnes, s’est retrouvé à la croisée des exils. Fort de 10 000 personnes à sa création en 1948, il a accueilli depuis lors plusieurs vagues successives de Palestiniens : ceux que la guerre civile libanaise (1975-1990) a jetés hors de leurs domiciles de fortune, ceux qui ont fui le conflit qui a opposé en 2007 un groupe islamiste et l’armée libanaise au camp de Nahr El-Bared… Mais aussi, plus récemment, des Palestiniens de Syrie, en déshérence après la prise de leur camp par l’organisation État islamique (Daech). Entre autres.
À l’intérieur, chaque faction politique possède son propre quartier. On y trouve le Fatah, le Hamas, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), mais également des groupes islamistes radicaux, comme le Fatah Al-Islam. Youssef Rabbeh explique : « Pendant plusieurs années, le camp était très dangereux. Les membres d’une faction ne pouvaient pas se déplacer d’un quartier