L’entourloupe des chiffres de la violence

Une bonne part de la classe politique appelle à réagir contre une prétendue montée de la violence en France. Problème : rien dans les statistiques n’indique la véracité d’une telle tendance.

Nadia Sweeny  • 9 septembre 2020 abonné·es
L’entourloupe des chiffres de la violence
© Edouard Richard/ AFP

Il n’y a pas d’explosion de la violence en France », affirme très clairement Renée Zauberman, directrice de recherche au CNRS, spécialiste des enquêtes de victimation, de la mesure du crime et du sentiment d’insécurité. « Mais cela ne veut pas dire que les incidents sur lesquels s’appuie le discours politique actuel ne sont pas graves. » Jeune femme traînée sur 800 mètres par une voiture à Lyon, agression mortelle d’un chauffeur de bus à Bayonne… Les faits divers particulièrement choquants s’empilent et émeuvent le pays au point de déclencher un débat sur la violence de la société française, qui connaîtrait une hausse sévère. « On peut tout à fait admettre que ces événements sont choquants mais on ne peut pas faire un diagnostic sur l’état d’une société à partir de faits divers : ça demande des analyses beaucoup plus approfondies. » Or force est de constater que les chiffres sont loin d’être alarmants.

Quels chiffres ?

Deux sortes de statistiques sont actuellement accessibles pour mesurer l’état de la délinquance, des agressions et, par conséquent, de la violence en France. Les chiffres recueillis par la police et la gendarmerie sont constitués des faits administratifs constatés soit directement par les agents, soit par dépôt de plainte des victimes. Mais on dispose aussi de l’étude annuelle supervisée par l’Insee dite de « victimation » – appelée « cadre de vie et sécurité » (CVS) –, pour laquelle le service public des statistiques interroge environ 15 000 personnes sur leur parcours des deux dernières années : ont-elles été victimes d’agression ? de violence ? laquelle ? etc. Ces deux types de statistiques comportent chacun des forces et des faiblesses et demeurent parcellaires. Leur combinaison permet aux chercheurs d’élaborer une analyse de la situation. Mais chaque changement de méthode ou un événement particulier – un attentat, par

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