EELV, LFI : si loin, si proches

Alors que les appels à une union de la gauche se multiplient, nous avons voulu croiser les regards des deux mouvements. Mathilde Panot (LFI) et David Cormand (EELV) nous livrent ce qui les rassemble… et ce qui les sépare.

Agathe Mercante  • 14 octobre 2020 abonné·es
EELV, LFI : si loin, si proches
© THOMAS SAMSON/AFP, Karine Pierre/AFP

On les compare de temps en temps. On les rapproche parfois. On les oppose souvent. Que l’on soit un sympathisant d’Europe Écologie-Les Verts ou de La France insoumise, que l’on soit Jean-Luc Mélenchon ou Julien Bayou, on trouve toujours un point d’accord autour de l’écologie et de l’urgence d’agir pour la planète. Mais selon quelles modalités ? Avec quelles armes ? À quelle échelle ? Que revêtent les termes « planification écologique », « bifurcation », « transformation écologique » ? Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne et coprésidente du groupe parlementaire de La France insoumise à l’Assemblée nationale, et David Cormand, eurodéputé Europe Écologie-Les Verts et ancien secrétaire national du parti, répondent.

La France et l’Union européenne ont présenté leurs plans de relance. Sur quoi reposent les critiques de LFI et d’EELV ?

Mathilde Panot : D’abord, il y a très peu d’investissements publics directs dans ces deux plans. Ensuite, l’Union européenne va délivrer des prêts dont les remboursements aggraveront la dette publique puisqu’ils sont conditionnés à des réformes structurelles. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, l’a dit textuellement pour justifier le retour de la réforme des retraites. Pour la France, on nous annonce 100 milliards d’euros, mais, quand on détaille les chiffres, on voit que 40 milliards viennent de l’Union européenne et que le reste a déjà été voté dans des plans de finances rectificatifs.

David Cormand : Le terme même de « plan de relance » n’est pas bon, selon moi. Une relance, ça laisse entendre qu’on repart sur les mêmes bases, qu’on relance la machine. Comme s’il fallait revenir à la situation antérieure. Or cette crise sanitaire, économique et sociale – il faut le rappeler – est le symptôme des dysfonctionnements et des excès de notre modèle dit de développement.

À une très large majorité, le Parlement européen avait estimé qu’un plan de relance digne de ce nom devait être d’au moins 2 000 milliards d’euros – le groupe des Verts plaidait même pour 5 000 – et aurait dû être composé de 1 000 milliards de subventions et de 1 000 milliards de prêts mutualisés. Aujourd’hui, il est de 750 milliards. Le problème, c’est que ces prêts et subventions sont garantis par le budget structurel de l’UE. Qui le finance ? Les États à 75 %, donc les contribuables. Nous, nous nous battons pour que nous ayons des « ressources propres », c’est-à-dire pour que l’UE puisse mettre en œuvre des taxes nouvelles qui ne s’appliqueraient pas directement aux citoyens, mais à ceux qui ne paient pas d’impôts : les transactions financières, le carbone aux frontières, les Gafam (1)… Pendant la crise sanitaire, certaines entreprises ont gagné beaucoup d’argent, par exemple Amazon, dont la capitalisation boursière a considérablement augmenté. Or elles échappent à l’impôt.

Nous nous battons aussi pour qu’une proportion importante de ce plan de relance soit conditionnée à des critères écologiques.

Qu’aurait-il fallu faire dès les prémices de l’épidémie ?

Mathilde Panot : Nous vivons un moment où tout le monde a bien compris que le libéralisme nous avait menés au chaos. Cette épidémie a révélé l’incapacité d’un modèle économique à répondre aux besoins fondamentaux des gens : se soigner, se loger, se nourrir… Au moment où la moitié de l’humanité était confinée, où beaucoup d’activités étaient à l’arrêt et où les premiers – et surtout premières – de corvée étaient en première ligne dans des fonctions essentielles, on aurait pu se dire : « Bon, on se pose, on réfléchit et on dirige nos politiques publiques vers une bifurcation de notre modèle. » Raté ! Au lieu de ça, on abreuve d’argent public des entreprises, notamment les plus polluantes, qui en profitent pour licencier et pour baisser les salaires.

David Cormand : Il y a un gros problème avec les quelques mesures écologiques qui ont été prises : elles sont conjoncturelles. On vient par exemple d’annoncer un investissement dans les énergies renouvelables, mais pour deux ans seulement. La remise supplémentaire d’impôts aux entreprises, c’est 10 milliards d’exonérations fiscales qui s’ajoutent au CICE, et qui sont, elles, structurelles. En résumé : la transition écologique, c’est un peu et pas longtemps. Les aides aux entreprises sans conditions ni critères, c’est beaucoup et tout le temps. Cela devrait être le contraire.

N’y a-t-il pas une autre crise, écologique cette fois, autrement plus grave et longue qui s’annonce ?

David Cormand : Ce qui distingue l’« effondrement » des « crises », c’est que le premier est la conjonction de plusieurs crises : écologique, climatique, sociale, environnementale et aussi démocratique. On le voit de façon criante avec la campagne pour la présidentielle américaine. C’est une crise du modèle de civilisation qui s’annonce.

Mathilde Panot : Le défi posé à l’humanité tout entière, c’est de garantir de dignes conditions d’existence individuelles et collectives. Individuelles dans la réponse aux besoins -fondamentaux. Et collectives parce que la défense et la protection des écosystèmes sont indispensables à la vie. La crise écologique nous replace aussi, nous, êtres humains, comme une espèce parmi d’autres et surtout dépendante des autres espèces.

Comment relever ce défi ?

David Cormand : La réponse à la crise sociale est la plus urgente, car l’effondrement expose en priorité et de façon plus brutale les plus défavorisés. Comme Mathilde Panot le disait, les métiers les plus utiles à notre société, et les moins bien rémunérés, ont été les plus exposés. Il faut mettre de l’argent sur la table pour que les gens gardent la tête hors de l’eau et touchent une rémunération juste.

C’est aussi nécessaire pour la transition car, lorsqu’on change de modèle, des secteurs doivent évidemment changer. Par conséquent, un certain nombre de métiers devront évoluer. Il faut cibler les secteurs qui seront amenés, dans une vision écologique de la transition de la société, à disparaître. Les usines d’ammonitrate, par exemple, nous seront inutiles. D’autres secteurs doivent largement se transformer : l’automobile, l’aéronautique. Et il faudra en faire émerger d’autres : services, agriculture, énergies renouvelables, etc. Des métiers seront remplacés par d’autres mais, en attendant, on ne peut pas laisser les gens sur le carreau.

On voit bien que tous les amortisseurs sociaux – services publics, Sécurité sociale, minima sociaux, logements sociaux, éducation – ont été fragilisés ces dernières années. Il est donc urgent de les remettre sur pied et d’en faire des acteurs de l’accompagnement du changement que nous souhaitons. Il faut en même temps opérer les premières bifurcations structurelles. C’est donc une stratégie globale à mettre en œuvre, tout à la fois économique, d’accompagnement social, de formation, etc.

Mathilde Panot : La première des choses, c’est de réaffirmer le rôle de la puissance publique – pas seulement celle de l’État mais aussi celle des communes – et surtout celui des citoyens. Nous n’arriverons pas à être à la hauteur des enjeux sans une mobilisation populaire forte. Il doit y avoir une rupture très claire. Non seulement avec le modèle capitaliste, mais aussi avec les traités européens. Je crois que l’UE, dans la gestion de cette crise, a montré les faiblesses du modèle du tous contre tous. Des disparités de plus en plus grandes existent en son sein. Ainsi, la France, qui vit une récession de 12 points de son PIB, investit 2 points en plan de relance, pendant que l’Allemagne, avec une récession entre 6 et 10 points, réintroduit 20 points en équivalent de son PIB. Pour nous, l’État-nation est le seul cadre dans lequel la souveraineté populaire peut s’exercer.

La deuxième chose, c’est la réappropriation du temps long. La méthode de la planification a disparu, notamment du fait de la dictature du temps court, du capitalisme et du libre marché : il faut d’urgence la remettre dans nos décisions politiques. Ça nous éviterait ce qui se passe en ce moment avec les néo-nicotinoïdes. Contrairement à ceux qui dépeignent parfois une politique écologique ambitieuse comme terrifiante, nous répondons qu’il faut repartir des besoins fondamentaux des personnes, de la société. Il faut aussi garantir la conquête de nouveaux droits, notamment celui à l’emploi, dans des secteurs qui sont délaissés par le marché et qui sont indispensables à une vie digne.

En gardant ces deux axes (nouveaux indicateurs fondés sur les besoins et conquêtes nouvelles) et en y ajoutant la planification démocratique, on se permet de penser la rupture avec le système. Tant qu’on ne remet pas la puissance publique au centre, avec la souveraineté populaire, on laisse les multi-nationales décider pour nous. Ni vous ni moi n’avons décidé de nous laisser empoisonner par Monsanto. Ni vous ni moi ne souhaitons vivre dans une jungle de béton, etc.

« Planification », « bifurcation », « transition »… Vous développez les mêmes idées mais n’utilisez pas les mêmes termes. La différence est-elle seulement -sémantique ?

David Cormand : La planification est une tradition française qui vient de loin, même d’avant la Révolution. Colbert – qui n’utilisait pas le terme – avait déjà cette vision consistant à organiser les choses au niveau de l’État et à fixer des objectifs sur le long terme. Ensuite, il y a eu l’utilisation du plan par de Gaulle. Pourquoi ce terme me dérange ? Parce que la manière dont il a été mis en œuvre en France a trop souvent été technocratique, et dans une forme de connivence entre les grands corps d’État et les « capitaines d’industrie » du capitalisme de notre pays… La planification est par ailleurs incompatible avec la démocratie et le choix librement consenti par les citoyens. L’exemple de Mathilde Panot sur Monsanto est intéressant parce que l’industrialisation et l’arrivée de produits chimiques dans l’agriculture française sont typiquement les conséquences d’un choix planifié.

Au-delà de la sémantique, les insoumis et les verts partagent une question démocratique fondamentale : comment reprend-on le contrôle sur ce dont dépend notre subsistance ? Car une conséquence du modèle capitaliste est la perte de contrôle des citoyens sur l’air, l’eau, la santé, l’alimentation, la mobilité, l’emploi, l’activité… Bref, la perte de notre autonomie. De ce point de vue, il y a une petite différence entre nous et les insoumis : dans mon esprit, la souveraineté populaire, c’est-à-dire la puissance démocratique des citoyens et des citoyennes, n’a pas forcément l’État-nation comme unique écosystème. L’État-nation ne connaît pas, ou mal, d’autres échelons. Or, selon les choix à faire et les sujets à traiter, il n’est pas forcément l’échelon le plus adapté et le plus légitime.

Mathilde Panot a parlé des communes. Nous sommes attachés au municipalisme depuis très longtemps. Il y a aussi les régions, c’est pourquoi nous sommes régionalistes. Le problème aujourd’hui, avec la souveraineté de l’État, c’est que celui-ci est sans capacité d’action car les quatre leviers sur lesquels il peut s’appuyer pour agir sur le réel (la fiscalité, l’investissement, la loi et les services publics) ont été désertés. Aujourd’hui, les régions n’ont pas le droit de mettre en place des réglementations, et je le regrette – à condition qu’elles soient mieux-disantes que les règles nationales. Une région qui voudrait une excellence environnementale en matière d’agriculture, par exemple, devrait pouvoir y être autorisée.

L’Europe peut-elle jouer un rôle ? Mathilde Panot disait que l’Europe ne pouvait pas être le lieu de l’expression d’une souveraineté populaire. C’est vrai aujourd’hui. Mais ça l’a aussi été hier pour la République française, jusqu’à ce que les femmes soient autorisées à voter, plus d’un siècle et demi après la Révolution de 1789… Il faut faire attention quand on est sévère sur la maturité démocratique de l’UE. On a raison de l’être, mais il faut aussi être juste et garder en mémoire le fait que l’UE est une démocratie inachevée – et d’une certaine manière la France aussi. La preuve, c’est que La France insoumise veut faire la VIe République. Et nous aussi.

Mathilde Panot : Je prends l’exemple du nucléaire, pour moi un beau modèle de planification : je suis en total désaccord sur le fond – je suis une antinucléaire convaincue –, mais cela montre que la puissance publique, quand elle investit, peut opérer des bifurcations économiques et énergétiques extrêmement importantes, même si, dans ce cas, cela a été fait à l’insu des citoyens. C’est pourquoi nous sommes les partisans de la planification comme méthode ayant démontré son -efficacité, mais qui n’a de sens que si elle est réalisée démocratiquement.

Je suis d’accord avec David Cormand sur le côté technocratique du plan : la planification écologique doit partir d’assemblées de planification citoyennes. Mais, quand vous parlez des quatre piliers de l’État, j’ai l’impression que vous l’essentialisez. Il pourrait être tout autre chose. Nous aussi, nous sommes attachés aux communes, échelon de base de la démocratie, et aux départements. J’ai en revanche un vrai souci sur les questions d’égalité entre les territoires : je ne vois pas pourquoi, parce qu’on habite dans un endroit, on aurait la possibilité de manger sainement, alors que ça ne serait pas le cas pour le reste de la population. Il faut que l’on gagne ces combats-là pour tout le monde. Seul l’État est à même de résorber les inégalités entre les citoyens et les territoires.

Pour opérer la transition, faut-il avancer avec radicalité ou opter pour un plan progressif, quitte à en passer par un « capitalisme vert » ?

David Cormand : L’économie de marché actuelle n’est absolument pas régulée, elle est livrée à elle-même, on y encourage les pratiques les plus nuisibles avec une prédation exponentielle sur l’environnement. On nous explique qu’il n’y a qu’une façon de faire de l’économie et qu’il faut s’y plier. Je pense qu’avec Mathilde Panot nous avons en commun de penser que l’économie est une question politique. Et que, comme toutes les questions politiques, elle a vocation à être décidée démocratiquement. D’abord, on fait des choix : de quoi avons-nous vraiment besoin ? Ensuite, il faut en passer par la réglementation. Les néonicotinoïdes sont encore une fois le bon exemple : Emmanuel Macron nous dit qu’on ne peut pas obliger les industriels de la filière du sucre à s’en passer, qu’il faut les y encourager. Alors qu’est-ce qu’on fait ? On se met tous au bord du champ et on applaudit en attendant qu’ils changent ? À un moment, il faut édicter des règles, c’est le propre de toute société. Ce n’est pas « punir », c’est permettre la vie en commun. Moi, je n’ai pas trop peur d’établir un certain nombre de contraintes, à condition que ce soit discuté avec les acteurs, qu’elles soient acceptées par le plus grand nombre et qu’il y ait un accompagnement pour permettre le changement. J’entends parfois que l’écologie est punitive mais, aujourd’hui, c’est l’économie dominante qui est punitive ! L’écologie est une manière de redonner du sens à l’économie. Je dirais même : du sens et de la sensibilité.

Mathilde Panot : Les objectifs doivent être choisis de manière démocratique et nous proposons un haut-commissariat à la planification écologique pour observer, suivre et coordonner les objectifs du plan qui auront été adoptés par les assemblées citoyennes. Ce seraient des objectifs pluriannuels, afin de se réapproprier le temps long et de se détacher du temps électoral. Ils s’extrairaient des arbitrages politiques entre les ministères. Ce plan, ni technocratique ni autoritaire, serait choisi. Parce qu’on n’arrivera jamais à engager une bifurcation écologique et solidaire sans mobilisation populaire.

Sur l’économie de marché, il y a un point sur lequel on peut tomber d’accord : c’est que la puissance publique et la planification écologique peuvent faire reculer le marché sur de nombreux aspects, notamment les biens communs. L’État aussi est un bien commun. L’incitation, on le fait depuis des années et c’est une catastrophe : ça ne fonctionne pas ! Parce que le privé, nous dit-on, est toujours plus efficace, toujours moins cher… Alors on fait des partenariats public-privé, on ouvre le fret ferroviaire à la concurrence et, résultat, moins de 10 % des marchandises sont transportées de cette manière et les lignes ferment les unes après les autres. La fermeture de la ligne Perpignan-Rungis a remis 46 000 camions sur les routes, alors qu’on a 48 000 personnes qui meurent chaque année de la pollution de l’air. Il y a trois ans, Emmanuel Macron tweetait « dans trois ans, le glyphosate, c’est fini » ; non seulement le glyphosate n’est pas « fini », mais les néonicotinoïdes reviennent.

Les grandes entreprises, elles, anticipent… Comment concilier le temps long et le temps très court d’un mandat ? Comment dépasser la « tragédie de l’horizon » ?

Mathilde Panot : Les grandes entreprises font des plans, et même des plans de dérégulation de l’État. Nous sommes en train de tout donner au privé, d’arroser de cadeaux les plus riches. Les crises sont de plus en plus extrêmes et font la part belle à une minorité qui -continue à s’enrichir et à polluer jusqu’à n’en plus pouvoir. Nous sommes le sixième pays le plus riche au monde, mais avec 5 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, pratiquement 6 millions de chômeurs et de chômeuses ! Nous sommes arrivés à un moment où la majorité sociale du pays a intérêt à ce que ce modèle à bout de souffle s’arrête. Il y a un autre imaginaire à construire et il faut se libérer du temps court, y compris électoral.

Quand on dit « urgence écologique », on est un petit peu à côté du fait : certes, il y a une urgence, mais on s’installe surtout dans un temps long, parce que ça ne va pas s’arrêter demain. Pour sortir des mandats électoraux, il y a le RIC (2), le référendum révocatoire et surtout la Constituante. Elle permet notamment de décider de règles qui empêcheront les industriels ou les transnationales de faire main basse sur nos biens communs, comme Veolia le fait sur l’eau, par exemple. Nous proposons aussi la « règle verte » : ne pas prélever plus à la nature que ce qu’elle peut reconstituer, ni produire davantage de déchets qu’elle n’en peut absorber. L’idée serait aussi d’avoir un grand débat sur des règles constitutionnelles afin d’empêcher toute régression sur les questions écologiques et sociales.

David Cormand : Les entreprises font, certes, de la prospective mais, paradoxalement, ce sont bien des enjeux de rendement à court terme qui motivent les choix d’un certain nombre d’entre elles : les actionnaires, le taux de croissance, les dividendes à distribuer. L’objet social de ces grandes entreprises n’est pas de maintenir la vie sur Terre, ni que les gens soient heureux. C’est pour ça qu’il faut réformer le statut juridique des entreprises afin de favoriser l’économie collaborative et coopérative, de développer la démocratie sociale, d’aider les PME et de casser les monopoles de certaines multinationales qui sont en train d’acquérir une situation de domination disproportionnée.

Comment convaincre l’ensemble de la société ?

David Cormand : Pendant les vingt-cinq -premières années d’existence des Verts, notre électorat était très majoritairement plutôt « éduqué », sensibilisé à ces questions. Au fur et à mesure que l’ensemble de la société s’est conscientisé sur les questions écologiques, il a davantage reflété les différentes catégories sociales. L’ennui, c’est que les citoyens fuient de plus en plus les bureaux de vote. Au premier tour des municipales, on a pu se dire que c’était à cause du Covid-19 ; au second, c’était plus compliqué. Pourtant, dans cette même période, il y a eu une politisation de l’opinion, notamment sur la question écologique, mais pas seulement. On a vu des mouvements sociaux d’un style nouveau émerger : marches climat, manifestations contre les violences policières, MeToo, gilets jaunes… Mais ils ne se sont pas traduits par un engagement électoral. La question est : comment donne-t-on l’envie de retourner voter ? C’est l’enjeu majeur des forces alternatives aux droites, qu’elles soient extrêmes, conservatrices ou pour le statu quo libéral, comme La République en marche.

Mathilde Panot : Pour construire un récit politique, nous devons assumer que, non, l’écologie n’est pas consensuelle, que, oui, l’écologie est une lutte et qu’elle implique de lutter contre les forces de l’argent et les transnationales, et qu’il faut les nommer. Je pense que, si on ne nomme pas ses ennemis, on n’arrive pas à mener la bataille. On n’a jamais rien obtenu en demandant gentiment ; tout ce qu’on a obtenu, on l’a conquis. Il faut faire la même chose sur ces conquêtes écologiques comme sociales. Reprendre le pouvoir sur l’air que l’on respire, l’eau que l’on boit, la terre qui nous nourrit, telles sont les causes communes qui peuvent fédérer le peuple.

(1) Les multinationales du numérique Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.

(2) Référendum d’initiative citoyenne.