La parole aux scientifiques : Sécheresse et mégafeux

Politis donne la parole à des experts qui observent la catastrophe climatique en cours. « Le risque d’incendie augmente partout dans le monde. »

Vanina Delmas  • 25 novembre 2020 abonné·es
La parole aux scientifiques : Sécheresse et mégafeux
© DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Renaud Barbero, climatologue à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)

Le climat n’est qu’une partie de l’équation car un feu a besoin de plusieurs ingrédients : la sources d’ignition, le combustible (la végétation) et les conditions climatiques. Pour l’instant, le lien entre le nombre de départs de feu et le changement climatique n’est pas avéré. Par contre, la propagation dépend en partie du climat (sécheresse, vitesse du vent…). Le changement climatique contribue à créer un environnement plus sec, plus inflammable, et la longueur des saisons à risque s’étend : en Californie, des feux se sont produits en novembre-décembre, ce qui est historiquement très rare.

Des boucles de rétroactions positives se dessinent : les températures en hausse augmentent la sécheresse, et donc les feux en fonction de la végétation disponible. Et ces feux relâchent toujours plus de carbone dans l’atmosphère, ce qui accentue le réchauffement climatique. De même, en aggravant la sécheresse, le réchauffement climatique favorise la mortalité de la végétation qui fournit un combustible très sec inflammable. Certains facteurs tendent plutôt à ralentir l’activité des feux : dans les écosystèmes plutôt limités en végétation, on peut imaginer que d’ici la fin du siècle, il n’y aura plus rien à brûler comme en Californie où des garrigues, des prairies semi-désertiques pourraient remplacer les forêts.

© Politis

Le danger du risque d’incendie augmente partout dans le monde, sans ambiguïté. Le lien entre changement climatique et feu a été établi dans certaines régions du monde (Canada, Etats-Unis, Australie). Les feux en Australie de la saison 2019-2020 ont été marquants car il se sont produits lors d’une vague de chaleur, une sécheresse sans précédent. Ils reflètent donc en grande partie le lien très fort entre les feux et le climat, même si l’argument de la gestion forestière a souvent été mis en avant dans les médias notamment l’abandon des pratiques aborigènes en Australie qui a conduit à cette accumulation de végétation.

Sur d’autres continents, c’est moins évident car il faut tenir compte des politiques de prévention des risques, de gestion forestière… En France par exemple, il y a eu des changements de politiques dans la lutte contre les feux qui ont vraiment contribué à ralentir l’activité des feux après deux années catastrophe (1989 et 1990) : les pompiers ont mis en place ce qu’ils appellent l’attaque, qui consiste à envoyer l’artillerie lourde au même endroit dès qu’il y a un départ de feu. Cela a été assez efficace alors qu il y a un risque de plus en plus élevé avec l’augmentation des températures.

Mais si on regarde les tendances dans l’activité des feux, c’est plus compliqué car les politiques de gestion des risques ou forestière, les changements de végétation ou d’occupation des sols ne sont pas pris en compte.

Par contre, à l’échelle globale, on constate une réduction des surfaces brûlées depuis les 20-30 dernières années, surtout parce que les feux de brousse diminuent, les savanes étant de plus en plus transformées en surfaces agricoles. Mais les études les plus pertinentes restent celles à l’échelle locale, régionale. Une étude portant sur l’ouest des Etats-Unis- où il y a eu une augmentation des surfaces brûlées de 600 ou 700% sur les 30 dernières années – montre que la moitié de la tendance pouvait être directement imputée aux émissions de gaz à effet de serre !

Écologie
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