La suite de l’histoire

Malgré deux annulations de spectacles, Stéphane Schoukroun et Jana Klein entendent continuer de se raconter et de donner la parole aux territoires.

Anaïs Heluin  • 4 novembre 2020 abonné·es
La suite de l’histoire
© Christophe Raynaud de Lage

U ne annulation, c’est rageant, c’est triste. À partir de deux, ça devient une histoire. Ça commence à nous intéresser. » C’est l’une des premières phrases que prononce Stéphane Schoukroun dans le hall du Monfort à Paris, où nous le retrouvons le 29 octobre avec Jana Klein, sa compagne à la vie et à la scène.

Au lendemain de la générale de Notre histoire, et de l’annonce du second confinement, la lamentation n’est pas à l’ordre du jour pour le couple. S’ils s’attristent et s’inquiètent de la « paupérisation des acteurs du spectacle vivant, qui, avec la nouvelle fermeture des lieux culturels, va s’inscrire dans la durée », ils entendent poursuivre le travail qu’ils mènent au sein de la compagnie (S)-vrai depuis sa création par Stéphane il y a une dizaine d’années. « Nos questionnements sur l’identité, le territoire et la place que nous y occupons en tant qu’artistes nous semblent plus urgents que jamais à partager. »

Contrairement à d’autres compagnies, (S)-vrai est heureusement bien accompagnée dans cette épreuve. Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, les directeurs du Monfort, n’ont pas hésité à reporter les représentations prévues chez eux du 9 au 21 novembre aux mois de mars et avril. « En cette période, il est très précieux de travailler avec des personnes qui comprennent qu’une pièce est pour ceux qui la portent une urgence. On ne peut reporter éternellement une création », dit Jana Klein.

S’il est difficile aujourd’hui de dresser un état des lieux des spectacles qui devaient naître au moment du premier confinement, il semble que celui de Stéphane Schoukroun et Jana Klein soit une exception : les théâtres ayant déjà dû reporter bon nombre de spectacles de leur saison passée, rares sont ceux qui ont encore la possibilité d’ajouter des dates à leur saison actuelle. Si elles n’y perdent par leur foi et leur énergie en route, de nombreuses -compagnies devront sans doute remettre l’éclosion à la saison prochaine.

(S)-vrai pourra donc raconter son « Histoire » d’amour. Celle d’un juif séfarade et d’une Allemande qui vivent ensemble depuis dix ans. L’entrée au collège de leur enfant va les forcer à regarder en face la montée de l’antisémitisme et leur poser la question de la transmission de l’histoire. Ce rapide résumé permet de comprendre l’enjeu de Notre histoire pour ses deux auteurs et interprètes. Il s’agit d’une autofiction, genre qu’ils pratiquent ici pour la première fois seuls. Ce qui ne les a pas empêchés de poursuivre leur exploration de territoires différents, leurs rencontres avec des personnes de tous horizons, avec une prédilection pour les plus éloignés des institutions culturelles.

Avec le Théâtre de la Poudrerie à Sevran, récemment labellisé scène conventionnée d’intérêt national « art en territoire », ils ont créé en septembre Se construire. Une pièce en appartement conçue pour l’essentiel en confinement, à partir d’entretiens téléphoniques avec des habitants du quartier des Beaudottes à Sevran. La tournée des appartements de la ville et alentour devait se poursuivre en octobre et décembre. Mais, après avoir été déplacées dans des locaux d’associations et de services culturels, les représentations ont dû être annulées.

Stéphane et Jana sont toutefois confiants : cette histoire-là aussi, ils réussiront à la raconter. « En une dizaine d’années, les regards des professionnels ont changé concernant les démarches qui, comme la nôtre, se déploient en relation avec des territoires. Coupés les uns des autres, nous avons plus que jamais besoin d’aller à la rencontre. »

Théâtre
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