Incendie de Courchevel : Luxe blanc et misère noire
Deux morts et vingt-quatre blessés : le tragique bilan de l’incendie de l’hôtel désaffecté où des saisonniers de Courchevel étaient logés par leur employeur, il y a tout juste deux ans, souligne de graves négligences et dévoile l’arrière-boutique du « Saint-Tropez en montagne ». Récit
dans l’hebdo N° 1638 Acheter ce numéro

© Erwan Manac’h
Ambre Corci se lève d’un mouvement machinal et traverse sa chambre sans comprendre d’où vient le vacarme qui l’a réveillée. La pièce est exiguë, sommairement meublée et mal isolée, l’humidité affleure et la moquette, sur le sol et une partie des murs, n’a pas bien vieilli. Il est 4 h 30 du matin ce 20 janvier 2019. En ouvrant la porte, la jeune femme est balayée par un souffle brûlant. Le couloir du troisième étage est déjà dévoré par une fumée noire et irrespirable. Elle se précipite à sa fenêtre, l’ouvre et l’enjambe. Dans ce piège, commence une interminable attente. Jusqu’au trou noir. « Je ne me souviens plus du moment où j’ai décidé de sauter. Je ne me souviens plus de rien, seulement d’une très longue attente et d’avoir vu les flammes monter de la fenêtre d’en dessous », souffle-t-elle, deux ans presque jour pour jour après les faits, la voix meurtrie.
Ambre a commencé les saisons trois ans plus tôt, à Megève, comme femme de chambre. Le plan semblait parfait pour mettre quelques euros de côté et financer un projet de voyage. Pour sa troisième année, à Courchevel, elle officie au grade d’assistante de gouvernante, au Saint Roch, un palace cinq étoiles, où la nuitée coûte 600 euros, prix d’appel. « Les riches, parfois, n’ont aucune notion de respect, raille-t-elle, il faut voir dans quel état on retrouvait parfois les suites. » Comme tous les saisonniers, elle travaille beaucoup, ses heures supplémentaires ne sont pas payées, mais le cadre lui plaît, les fêtes sont mémorables à cette altitude, la ligne ajoutée à son CV est prestigieuse et le salaire – 1 800 euros par mois pour un poste à responsabilité – représente un bon pécule d’argent de poche, car elle est nourrie et logée. Et certains de ses collègues réussissent parfois à doubler la mise sous forme de pourboires.
Pour le logement, c’est une autre histoire. Comme il leur est impossible de se loger par eux-mêmes sur place, la plupart des saisonniers sont hébergés par leur patron, gratuitement. Les
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