Réfugiés afghans : Ces ombres dans le froid
Ils sont afghans, ont fui les talibans, sont demandeurs d’asile, mais condamnés à vivre dans l’ultraprécarité et harcelés quotidiennement par la police. Reportage en banlieue parisienne.
dans l’hebdo N° 1636 Acheter ce numéro

© Nadia Sweeny
Rendez-vous est fixé ce jeudi 7 janvier à 19 heures devant le cinéma UGC Ciné Cité, face à la station de tramway Rosa-Parks, dans le XIXe arrondissement de Paris. Depuis que le confinement a eu raison des cinémas, l’association d’aide aux migrants Utopia 56 donne temporairement rendez-vous ici aux familles et aux femmes seules. D’après les militants, le groupe UGC n’a pas apprécié : il a éteint les lumières extérieures. Ne pas éclairer pour surtout ne pas voir.
C’est aussi là que Reza Jafari vient chercher quelques sandwichs avant d’entamer sa ronde. « Je travaille avec Utopia 56, qui nous permet d’accéder à son entrepôt pour stocker les dons, complète ce dont nous avons besoin en nourriture, tentes, couvertures, etc., et fait des maraudes avec nous », explique Reza Jafari, bientôt rejoint par Amil, un jeune Afghan, qui tient absolument à demander à Reza comment il pourrait bien entrer dans la Légion étrangère. Il a beaucoup à apporter à ce pays, dit-il. Il ne veut plus être un « dubliné », sous-entendant qu’il a fait une sorte d’allégeance à un autre pays européen dont il s’est enfui et que pour ça il est puni. Lui veut rester, quitte à défendre, par sa vie, un pays qui ne veut pas de lui. Reza est assez cash : « Vu ta situation, c’est extrêmement difficile. » Amil est déçu. Il rêve d’être accepté. Un rêve commun à ces ombres qui déambulent devant le camion d’Utopia. Ici se côtoient et se croisent les histoires et les devenirs. Multiples. Incertains. Mais avec une similitude de taille : l’immense précarité générée par le refus de notre pays de les reconnaître et de les accueillir.
Minimum vitalCe soir, il fait 3 °C. Le froid