Un écosystème musical à repenser

À l’instar de tout le secteur culturel français, la Philharmonie de Paris subit le choc de la pandémie de Covid-19 et doit s’adapter à la situation. Rencontre avec Laurent Bayle, directeur général de l’institution.

Jérôme Provençal  • 6 janvier 2021 abonné·es
Un écosystème musical à repenser
© JEAN-DIDIER RISLER / ONLY FRANCE / Only France via AFP

Inaugurée en 2015 et implantée dans le parc de la Villette, au sein d’un colossal bâtiment conçu par Jean Nouvel, la Philharmonie de Paris se dresse tout près de la Cité de la musique – créée en 1995 – et forme avec elle une entité commune. Sous le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), cette vaste structure a pour mission de transmettre la culture musicale à un large public via un ensemble de propositions complémentaires (concerts, expositions, ateliers, conférences, colloques, etc.).

Imposante et prestigieuse, elle vacille pourtant, elle aussi, sous le choc de la pandémie de Covid-19, qui ébranle violemment le secteur de la culture – en France et dans maints autres pays – depuis le printemps 2020. Invitant des musiciens du monde entier et présentant régulièrement des cycles consacrés à tel pays ou continent, elle inscrit son action dans un cadre très international. Ce qui constitue une qualité en temps normal s’apparente à un défaut avec la pandémie.

Nombreuses ont ainsi été les annulations depuis mi-mars, surtout dans les musiques actuelles et les musiques du monde, qui représentent une part importante de la programmation. «Plus l’échelle de collaboration est locale, plus la situation est gérable, précise Laurent Bayle, directeur général de la Philharmonie de Paris-Cité de la musique. Au-delà du paramètre géographique, le classique surmonte mieux l’épreuve que les autres musiques. Cela tient peut-être en partie à son modèle économique, nettement moins fragile grâce aux subventions publiques et par conséquent plus susceptible de s’adapter à des restrictions de jauge. »

Riche en contenus divers, notamment des captations de concerts, le site Internet de l’institution apporte une substantielle plus-value. Dans le contexte actuel, il apparaît comme un palliatif -précieux, permettant par exemple de découvrir Love Songs, toute nouvelle création de Rodolphe Burger (avec la participation de Jeanne Balibar au chant), ou d’effectuer une visite virtuelle de l’exposition Les Musiques de Picasso, suspendue sine die dans le monde réel. L’offre numérique ne constitue toutefois pas une solution suffisante sur la durée, faute d’un modèle économique viable, très difficile à trouver…

Côté trésorerie, la perte de recettes en 2020 s’élève à environ 20 millions d’euros. Compensée en partie par une réduction des dépenses (à hauteur de 15 millions), cette perte s’avère tolérable. Mais si la crise sanitaire dure encore plusieurs mois, voire davantage, la note va forcément s’alourdir… Bénéficiant d’un soutien conjoncturel important de l’État, évalué à 9 millions d’euros pour 2020 et 2021, en sus de ses subventions régulières, la Philharmonie de Paris a évidemment une base assez solide pour résister au choc économique de la pandémie.

Cette assise lui permet, en retour, de soutenir au maximum ses partenaires à l’intérieur du circuit musical français. « Nous essayons d’annuler le moins possible de formations françaises, en réalisant si besoin des captations de concerts sans public, précise Laurent Bayle. Par ailleurs, nous soutenons le système des intermittents du spectacle en honorant les cachets des dates annulées. »

Appelé à quitter son poste le 31 mars 2021, Laurent Bayle partage néanmoins volontiers sa vision à long terme de la Philharmonie de Paris. « Eu égard en particulier aux enjeux environnementaux et sanitaires, il importe de repenser l’écosystème musical mondial sans céder au protectionnisme ni au repli sur soi. Circulation et transmission sont essentielles dans la vie de la musique. En outre, la Philharmonie doit continuer de développer des formes alternatives d’exploration de la musique, au-delà du simple concert, et d’œuvrer à la démocratisation de la culture par l’apprentissage collectif, comme elle le fait déjà notamment avec les orchestres Démos, dispositif existant depuis 2010 et ouvrant la pratique musicale à des enfants issus de quartiers en difficulté. »

philharmoniedeparis.fr

Politique culturelle
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