À l’hôpital, de l’anormal au banal
Face à l’épidémie qui dure, les hôpitaux se sont installés dans un quotidien lancinant qui pèse sur les soignant·es. reportage dans un établissement d’Île-de-France.
dans l’hebdo N° 1642 Acheter ce numéro

© ARTHUR NICHOLAS ORCHARD/AFP
Magali*, infirmière aux urgences, se raconte sans lâcher l’écran des admissions du regard. Un sourire généreux derrière le masque, son bonnet de protection vissé sur le crâne, elle retrace une année de pandémie qui lui semble encore presque irréelle : il y a eu le temps de la mobilisation générale, le contrecoup, une nouvelle routine qui s’installe et, au bout du compte, une fatigue tenace qui devient de plus en plus difficile à endurer.
La « salle d’attente couchée » des urgences, où les patient·es attendent sur des brancards d’être pris·es en charge, est encore vide ce matin-là. « Aux urgences, c’est tout ou rien », souffle Magali. Une semaine plus tôt, il a fallu déclencher une réunion de crise afin de débloquer des lits pour les patient·es contraint·es de passer la nuit dans cette salle d’attente. Une situation qui n’a rien d’exceptionnel dans ce gigantesque hôpital de la région parisienne, où un groupe de syndicalistes a accepté de nous organiser une visite discrète (1). « Nous sommes habitués à travailler dans des conditions tendues, mais c’est un facteur d’anxiété supplémentaire, nous avons peur de mal faire notre travail », confesse Magali.
L’infirmière aborde néanmoins l’hypothèse d’une troisième vague sans angoisse particulière. Certes, à l’échelle nationale, les hôpitaux ont été priés de se préparer à un passage en « plan blanc » de niveau 2, qui permet aux responsables d’établissement d’annuler les congés et de