Négationniste, ma non troppo

Les juges trouvent à Zemmour la circonstance atténuante que ses propos ont été prononcés dans un « contexte ».

Sébastien Fontenelle  • 10 février 2021
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Négationniste, ma non troppo
© Sameer Al-Doumy / AFP

La négation de la complicité du régime de Vichy dans les crimes contre l’humanité perpétrés par les nazis serait-elle soudain devenue acceptable – pour peu qu’elle s’inscrive dans le « contexte » particulier d’un échange télévisé un peu vif ? La réponse à une telle question devrait évidemment aller de soi. Mais depuis la semaine dernière, ce n’est plus tout à fait le cas.

Pour le comprendre, il faut remonter au 21 octobre 2019. Ce jour-là, Éric Zemmour avait une nouvelle fois déclaré, sur CNews – et dans le cours d’une discussion avec l’essayiste Bernard-Henri Lévy (BHL) qui lui reprochait, à raison, d’avoir déjà proféré de semblables obscénités (1) –, que le maréchal Pétain avait « sauvé les juifs français » : cela lui avait valu d’être poursuivi pour « contestation de crime contre l’humanité » par plusieurs associations antiracistes.

Mais, le jeudi 4 février, le tribunal de Paris l’a relaxé. Cette instance concède, certes, dans son jugement – difficile de faire autrement – qu’« affirmer », comme Zemmour l’avait donc (encore) fait ce 21 octobre 2019, « que les juifs français ont été sauvés par le maréchal Pétain contient à la fois la négation de la participation de ce dernier à la politique d’extermination des juifs menée par le régime nazi (en affichant la bienveillance dont auraient bénéficié les juifs français sous l’impulsion du chef de l’État français) et de la mort des personnes qui ont succombé à ces exactions (ceux-ci ayant été “sauvés”) ».

Mais, après avoir ainsi constaté que « le contenu même des propos » qu’il a tenus « ne laisse donc aucun doute sur leur sens », les juges trouvent à Zemmour la circonstance atténuante – et quelque peu sidérante – qu’« ils ont été prononcés » dans le « contexte » particulier d’un débat avec BHL, et que Zemmour, accusé par son interlocuteur d’avoir déjà minimisé les responsabilités de Pétain, lui a fait, au cours de cet échange, une réponse témoignant « de son absence de volonté de s’inscrire dans une minoration outrancière du crime contre l’humanité que représente le génocide juif ».

Un peu comme si cette épouvantable minoration des crimes perpétrés par les nazis et leurs affidés pouvait être tolérable, à condition qu’elle reste pondérée, plutôt qu’« outrancière » – ou, pour le dire autrement : négationniste, ma non troppo.

(1) En 2014, le même Zemmour avait, par exemple, déjà expliqué que la « stratégie adoptée par Pétain et Laval face aux autorités allemandes » après l’armistice de 1940 avait permis de « sauver les juifs français »en livrant plutôt « les juifs étrangers » à l’occupant nazi. Cette prose infecte avait ravi l’eurodéputé Jean-Marie Le Pen, alors président d’honneur du Front national, qui avait lui-même soutenu, en 2010, que « les juifs français » avaient « bénéficié de l’action » de Pétain, et qui avait donc rendu à Zemmour ce vibrant hommage : « Éric est un homme intelligent et courageux. Il fait des constatations qui sont évidentes mais qui sont niées par la doxa qui a élaboré depuis la Libération un certain nombre de vérités qu’elle prétend imposer. »

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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