Bacchantes : Des voix à l’air libre

Le quatuor féminin Bacchantes révèle un univers radicalement atypique sur un premier album de très haute intensité.

Jérôme Provençal  • 3 mars 2021 abonné·es
Bacchantes : Des voix à l’air libre
Quatre artistes aux univers variés mais dotées du même pouvoir d’émerveillement.
© Tesslye Lopez

Effectuant une percée foudroyante dans le paysage musical français avec son premier album, sorti début février, Bacchantes réunit Amélie Grosselin (voix, guitare électrique), Claire Grupallo (voix, harmonium indien, claviers), Astrid Radigue (voix, batterie) et Faustine Seilman (voix, harmonium indien, claviers).

Loin d’être des débutantes, ces quatre musiciennes explorent depuis une dizaine d’années, chacune de son côté, des champs très variés : le rock noise pour Amélie Grosselin (avec le groupe Fordamage), le cabaret fantasmagorique pour Claire Grupallo (avec le duo Sieur & Dame), la pop orchestrale pour Astrid Radigue (avec le groupe Mermonte) et la folk pour Faustine Seilman (en solo). Leur groupe commun a démarré sans direction musicale préconçue, l’envie d’expérimenter s’avérant la motivation essentielle.

« Dès la première session, l’entente a bien fonctionné entre nous quatre, raconte Astrid Radigue. Nous parvenons à trouver une harmonie commune tout en préservant les -particularités de chacune. La collaboration à distance ne nous convient pas du tout. Nous avons besoin de nous retrouver pour créer et composer. » Vivant à des endroits différents (l’une à Rennes, l’une à Nantes, les deux autres dans le Lot), elles se rejoignent donc épisodiquement pour faire de la musique ensemble.

Impulsé en janvier 2016, le groupe a été mis en suspens pendant environ un an pour cause de maternité, puis s’est relancé durant l’été 2017. À partir de là, son répertoire a pris forme peu à peu, entre sessions de studio et concerts, la dimension live se révélant fondamentale.

Très prospectif, ce processus créatif sur le vif, qui laisse une large place à l’improvisation en début de gestation, a permis au quatuor de s’aventurer sans retenue en terre inconnue et d’y constituer la matière – vive, ô combien – de son premier album. Simplement intitulé Bacchantes, il délivre dix morceaux éminemment originaux qui jaillissent avec une irrésistible vigueur intrépide. Agrégeant riffs menaçants ou rugissants, martèlements doux ou violents et bourdonnements lancinants, les denses compositions musicales s’y mêlent à des paroles poétiques (adaptées pour la plupart de poèmes déjà existants, d’époques diverses) chantées ou déclamées à plusieurs voix, tantôt éthérées tantôt ulcérées. Sur l’ultime morceau, la musique s’efface pour laisser les voix s’élever, souveraines, parmi des pépiements d’oiseaux.

Quelque part entre post-rock éruptif, folk psychédélique et chanson médiévale, ces vibrantes cantilènes illuminées – qui évoquent souvent les éclats de Catherine Ribeiro avec le groupe Alpes – possèdent un rare pouvoir d’émerveillement. « Aride », « Fiers tyrans », « Sécheresse », « Chœur d’amour » et « Hellébore fétide » en témoignent particulièrement.

Tout du long, telles les figures de la mythologie romaine auxquelles elles empruntent leur nom, les quatre Bacchantes apparaissent comme des prêtresses rebelles dont les libres et ferventes incantations mènent droit au (septième) ciel.

Bacchantes (Figures libres/L’Autre Distribution), bacchantes.bandcamp.com

Musique
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