Festival international de films de femmes : Filmer, disent-elles

En ligne, la 43e édition du Festival international de films de femmes se distingue en particulier sur son versant documentaire.

Jérôme Provençal  • 31 mars 2021 abonné·es
Festival international de films de femmes : Filmer, disent-elles
Aïssa Maïga et Isabelle Simeoni, réalisatrices de « Regard noir ».
© Elodie Shanta

Apparu en 1979, dans le sillage du mouvement féministe des années 1960-1970, le Festival international de films de femmes se trouve aujourd’hui parfaitement en phase avec le nouveau féminisme, qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis quelques années. Si les femmes cinéastes sont à présent plus nombreuses qu’à la fin des années 1970, elles restent encore largement minoritaires : une bataille semble gagnée, mais la lutte continue.

Entièrement accessible en ligne via la plateforme Festival Scope, à des tarifs très modiques, l’édition 2021 affirme un positionnement socio-politique fort à travers la figure de son invitée d’honneur, l’actrice Aïssa Maïga. Initiatrice du collectif d’actrices noires et métisses auquel on doit le livre-manifeste Noire n’est pas mon métier (paru en 2018), Aïssa Maïga présente ici son premier film en tant que cinéaste, Regard noir. Réalisé avec Isabelle Siméoni, ce documentaire résolument engagé aborde la question de la place des personnes noires ou métisses – en particulier des femmes – dans le cinéma.

Riche en interviews et agrémenté de nombreux extraits de films ou d’émissions de télévision, le film prend la forme d’une enquête approfondie qui se déplace à un rythme soutenu entre la France, les États-Unis et (un peu) le Brésil. Souvent à l’image, également présente en voix off, Aïssa Maïga pourfend les stéréotypes et les inégalités avec une énergie volontariste terriblement communicative. Si elle dresse un constat très critique, voire caustique, sur la situation actuelle, elle s’emploie activement à faire évoluer les mentalités et soulève l’espoir d’un avenir plus juste.

L’actrice Lina Soualem effectue aussi de beaux débuts derrière la caméra avec Leur Algérie, documentaire centré sur ses grands-parents paternels, qui se séparent après soixante-deux ans de vie commune… Mêlant des fragments de films de famille (réalisés par son père, l’acteur Zinedine Soualem) à ses propres images, Lina Soualem retraverse son histoire personnelle avec une curiosité vive et sensible. Au-delà, elle évoque le sort de tous les Algériens contraints de venir vivre et travailler en France dans les années 1950-1960 sans jamais pouvoir rentrer ensuite dans leur pays natal.

Autre documentaire marquant : L’Île des perdus. Signant ici son premier long métrage, en immersion au Service des objets trouvés à Paris, Laura Lamanda – qui est également écrivaine – porte un regard à la fois sobre, précis et bienveillant sur cet étrange ballet des êtres et des choses, les premiers semblant parfois les plus perdus…

Du côté des longs métrages de fiction se détache en particulier Mare d’Andrea Staka, beau portrait d’une femme, mère de trois enfants, emportée irrésistiblement par une liaison adultère qui va bouleverser sa vie. Pour le reste, signalons aussi l’hommage à la documentariste Cecilia Mangini (décédée le 21 janvier, à 93 ans) ainsi que la rétrospective consacrée à l’actrice et productrice Nicole Stéphane (morte en 2007), connue par ailleurs pour son engagement politique fervent.

Festival international de films de femmes, 2 au 11 avril, en ligne, filmsdefemmes.com

Musique
Temps de lecture : 3 minutes