La guerre des universalismes
Entre idéal républicain et nécessaire prise en compte des diversités présentes dans notre pays, le cœur de la gauche balance violemment, au prix d’un débat houleux dont les racines appartiennent à sa propre histoire.
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© DOMINIQUE FAGET / AFP
Chaque semaine apporte son lot d’invectives. Dénoncez des phénomènes de racisme ou de discrimination, et vous voilà le porte-voix des « idéologies victimaires et revanchardes » qui « veulent faire passer l’universalisme pour un gros mot (1) » ou au service de la propagande islamiste. Critiquez le roman national, qui rend hommage à des acteurs majeurs de l’histoire de France sans faire la pédagogie de leur ambivalence, et vous voilà le chantre de la « cancel culture » qui veut tout effacer. De la même manière, énoncez votre attachement à l’idéal universaliste républicain, et vous devenez l’avant-garde de l’extrême droite nationaliste et fasciste, si ce n’est l’Arabe – ou le Noir – « de service »pour peuque vous ayez une histoire liée à l’immigration… La violence du débat est inouïe. Elle secoue l’espace politique et affecte particulièrement la gauche, au sein de laquelle les prises de bec sont brutales. Et pour cause : ce débat la hante depuis la Révolution française.
Conquête colonialeL’idéal universaliste est né du siècle des Lumières. Enfant de la Révolution française, il peut se résumer comme l’affirmation que tous les êtres humains sont égaux, quelles que soit leurs différences physiques, culturelles, religieuses, etc., et qu’ils doivent pouvoir accéder aux mêmes droits fondamentaux : ceux de l’homme et du citoyen. C’est de cette idée novatrice et révolutionnaire que découle l’abolition de l’esclavage – rétabli en 1802 par Bonaparte, dont Emmanuel Macron vient de commémorer le bicentenaire de la mort…
L’universalisme est un projet d’émancipation global. La gauche y est née : elle en est naturellement l’héritière. Mais si cet idéal produit des victoires fondamentales, il « n’interdit pas, en revanche, de décréter que telle valeur prime sur une autre, que telle culture est meilleure qu’une autre, etc., et donc, in fine_, qu’il convient d’écarter un groupe humain soit parce que ses valeurs sont décriées, soit simplement parce qu’il n’emprunte pas ou n’a pas