Mai 1981 : Le triomphe partagé des luttes
Dans les mémoires, le 10 mai 1981 est une date marquante pour les espoirs qu’elle a soulevés. Des militant·es de l’époque racontent leurs souvenirs et leurs attentes.
dans l’hebdo N° 1652 Acheter ce numéro

Si l’on se fie aux images d’archives, le soir du 10 mai 1981 ressemble à un joyeux bordel. Des fêtard·es à vélo serpentent Toulouse rose au poing, d’autres à la Bastille, à Paris, dansent sous la lune, alors que des feux d’artifice démarrent à Lille et à Épinal. Dans la foule, une mosaïque de slogans, de drapeaux et de sourires colore l’élection de François Mitterrand. Bien au-delà des embrassades du PS, rue de Solférino, des militant·es venant d’horizons très divers accueillent la victoire socialiste comme l’espoir d’un changement profond. À Millau, dans le Larzac, elle résonne comme la fin heureuse d’une décennie de lutte contre le projet d’extension d’un camp militaire sur des terres agricoles. Dans la pointe du Finistère, on célèbre dans l’euphorie la mort du projet de centrale nucléaire de Plogoff, après six années d’opposition. L’espoir d’une révolution des mentalités et d’un changement d’attitude de l’État gagne aussi les mouvements féministes et homosexuels ou ceux de défense des réfugié·es, qui n’ont cessé de croître au fil des années 1970. Ces combats s’étaient entremêlés durant la campagne de 1981 au profit de Mitterrand, faisant du 10 mai 1981 un événement plus large qu’un triomphe personnel.
Marie-Jo BonnetHistorienne du féminisme
Le soir du 10 mai 1981, je suis allée célébrer la victoire de Mitterrand à la Bastille. J’avais 31 ans et je venais de publier chez Denoël-Gonthier ma thèse d’histoire, Les Relations amoureuses entre les femmes du XVIe au XXe siècle. Nous sortions d’une décennie extrêmement créative, riche et rebelle : les années 1970 avaient été un