Didier Fassin : « Avec le covid, la santé publique a gagné ses lettres de noblesse »
Didier Fassin analyse les enjeux actuels des politiques sanitaires, alors que paraît sur le sujet son cours au Collège de France, lui-même bouleversé par la pandémie.
dans l’hebdo N° 1671 Acheter ce numéro

© Mark Kolbe / GETTY IMAGES ASIAPAC / Getty Images via AFP
Élu à la chaire de santé publique au Collège de France fin 2019, l’anthropologue Didier Fassin, également médecin et sociologue, n’a pu dispenser son cours du fait des contraintes sanitaires induites par la pandémie de covid. Reporté de plus d’un an, son enseignement est donc intervenu dans ces circonstances d’autant plus particulières que son objet venait de « faire irruption dans le monde ». Loin de se limiter à cette pandémie qui a braqué l’attention sur la santé publique, matière de ce cours aujourd’hui publié (1), ses leçons interrogent d’abord « la généalogie et la sociologie de l’administration des populations vulnérables ». Illustrant ainsi, à travers ce qu’il a nommé des « excursions anthropologiques », les multiples enjeux venant éclairer « l’expérience pandémique ».
Vous rappelez, au début de ce cours consacré à la santé publique, que celle-ci était, avant le covid-19, pour la majeure partie de l’opinion, « une réalité abstraite, une obscure matière administrative, un domaine d’expertise plutôt rébarbatif ». Si le terme de santé publique a sans doute toujours été présent dans l’imaginaire collectif, pourquoi en était-il ainsi ?
Didier Fassin : La plupart des personnes à qui on aurait parlé de santé publique il y a quelques années n’auraient pas su la définir, sauf à parler de la bureaucratie sanitaire des ministères et des administrations, domaine plutôt rebutant, loin des passionnantes avancées de la médecine et de la biologie que les médias aiment à présenter et qui placent la biomédecine très haut dans le ciel des progrès de la connaissance.
Non seulement la santé publique est devenue familière, mais son importance pour le bien-être collectif est apparue.
Avec la pandémie, non seulement la santé publique est devenue familière, mais son importance pour le bien-être collectif est apparue. La présentation quotidienne des données par le ministre de la Santé, la discussion sur la signification des différents indicateurs servant à justifier les décisions, la pédagogie médiatique des projections, des graphiques et des taux, le flux ininterrompu de la parole des experts ont fait que chacun s’est senti un peu épidémiologiste et spécialiste de santé publique, et a compris la nécessité de la connaissance et l’urgence des pratiques dans ce domaine.
Qu’a donc changé la pandémie de covid-19, en provoquant
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