Comprendre les relations internationales

Le beau livre que nous proposent Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, et la pédopsychiatre Anne Sénéquier est particulièrement bienvenu dans un débat politique très hexagonal. Il s’adresse à quiconque veut s’ouvrir au vaste monde. Sans être affaire de spécialistes, cette Géopolitique tout simplement n’ignore rien des complexités de notre époque. Ouvert par une séquence historique qui contextualise les événements actuels en remontant à la guerre froide et à la décolonisation, l’ouvrage analyse les grands ensembles régionaux. Les forces et les faiblesses de l’Europe, « géant économique mais nain politique », trop vite montée en graine à force d’élargissements, sont exposées à charge et à décharge. Lectrices et lecteurs y trouveront aussi bien de quoi nourrir une conviction européenne qu’une critique argumentée. C’est ce même équilibre que l’on retrouve tout au long des éclairages sur la Russie, les États-Unis et la Chine, notamment.

Qui pourrait comprendre la Russie de Poutine sans se pencher sur la phase « de déchéance et d’humiliations » qui a suivi la chute de l’URSS ? Un empire amputé du quart de son territoire et plongé dans « un appauvrissement général ». On s’explique alors la montée de Poutine, son acharnement à réimposer son pays par une force souvent aveugle, comme en Syrie et en Ukraine, et sa « rupture avec le monde occidental ». Mais, au contraire de ce que prétendit un jour un piètre philosophe médiatique, l’explication ici ne vaut jamais excuse. Les États-Unis sont passés au même crible de leurs contradictions. Qu’est devenu « l’empire des libertés » rêvé par Thomas Jefferson ? Une hyperpuissance qui « n’a pas conscience de son nationalisme, qu’elle prend pour de l’universalisme ». Les auteurs pointent les faiblesses d’un système politique qui peut donner la victoire à un candidat minoritaire (Bush en 2000, Trump en 2016) et porte toujours en lui la plaie d’une discrimination raciale héritée d’un passé esclavagiste. On soulignera aussi le traitement de la question chinoise, qui constitue une critique en filigrane de la globalisation libérale. L’illusion selon laquelle l’intégration économique de l’empire du Milieu allait entraîner sa démocratisation s’est dissipée.

Cette véritable photographie planétaire fournit, dans une troisième séquence, thématique, les données de base pour la compréhension des grands problèmes : guerres et conflits, démographie et migrations, santé publique, monde cyber, commerce, inégalités sociales, retour du religieux, terrorisme… Les questions écologiques, abordées en plusieurs entrées, bénéficient d’un éclairage diversifié. Le mérite des auteurs est d’éviter le double piège de la fausse neutralité et du prêt-à-penser idéologique. Enfin, la pédagogie est servie par des illustrations reposant sur des photos d’archives et un graphisme élégant, œuvre des jeunes affichistes de Fagostudio.

N. B. : Pascal Boniface est actionnaire minoritaire de Politis.

La Géopolitique tout simplement Pascal Boniface et Anne Sénéquier, Eyrolles, 304 pages, 26 euros.