En Russie, « on essaie d’éviter de penser à la signification concrète de la guerre »
La sociologue Karine Clément, spécialiste des mobilisations collectives, analyse l’instrumentalisation médiatique à laquelle la population russe est soumise sans en être forcément dupe.
dans l’hebdo N° 1701 Acheter ce numéro

© Alexander NEMENOV / AFP
Chercheuse associée à l’EHESS et au CNRS, Karine Clément est sociologue et spécialiste des mobilisations collectives. En 1994, elle part en Russie pour écrire sa thèse sur le mouvement ouvrier russe et vit là-bas de 1996 à 2018. Elle est aujourd’hui interdite d’entrée sur le territoire mais conserve de nombreux liens avec le pays qu’elle a étudié pendant plus de vingt ans. Six semaines après le début de la guerre en Ukraine, les sondages d’opinion indiquent que 83 % des Russes approuvent les actions de leur président, Vladimir Poutine. La sociologue invite à relativiser les conclusions de ces enquêtes et parle d’un peuple russe fragmenté, en proie au plus grand désarroi.
Comment résumeriez-vous l’état actuel de l’opinion en Russie ?
Karine Clément : On parle beaucoup des sondages d’opinion actuellement. Certains indiquent que 80 % des Russes approuvent les actions menées par Vladimir Poutine ; d’autres, qui me semblent un peu mieux informés, parlent de 60 %. En vérité, ils nous apportent peu d’informations sur l’état réel de l’opinion publique, ils ne mesurent pas la véritable profondeur des points de vue dans la population. Les Russes se soumettent bien souvent à un certain conformisme : lorsqu’ils répondent à un sondage, ils répètent ce qu’ils ont entendu aux informations et ce qu’ils imaginent que la majorité de la population pense. En temps de guerre, c’est encore pire puisque, avec la censure, la majorité des personnes contactées refusent de répondre ou
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