Mythe, papier, magie

E lle tourne comme ça. » Qui ? Comment ? La Terre, bien sûr. Et pour savoir comment – car, évidemment, ce n’est pas comme l’on pense, non, décidément pas – il nous faut lire Elle tourne comme ça.

À l’image du titre, cet album jeunesse est simple et mystérieux. C’est un mythe qui s’ouvre par la parole perpétuée : « On dit qu’ils sont venus par un soir de lune grise. » Et s’achève sur un étonnant « Voilà pourquoi… » En chemin, tout semble ouvert, hypothétique. Grisant et doux. Une faille, un interstice, créés peut-être par la rencontre entre l’autrice Martine Laffon et -Icinori, alias Mayumi Otero et Raphaël Urwiller, formidable duo de dessinateurs-graveurs-autoéditeurs, qu’a provoquée Valérie Cussaguet, l’éditrice des Fourmis rouges.

Nous sommes en présence d’une grande et belle conjonction des planètes : celle de la genèse qu’aime à porter l’autrice, avec son apparente simplicité, cachant bien des palimpsestes. « Pour les enfants, il me semble que les mythes sont une bonne façon de découvrir d’autres représentations que celles héritées de la culture à partir de laquelle ils se construisent, en leur racontant ce que chaque tradition dit sur elle-même. » Celle tout en héritages et expérimentations graphiques que porte Icinori, jouant aussi des (sur)impressions.

Leur univers va ainsi, à la poursuite de quatre géants qui cherchent un chez-eux, tiennent en main un renard, se font picorer le doigt par un ours, soulèvent la mer pour s’y glisser comme sous une couverture. Les différences d’échelle, les abstractions et le réalisme relèvent de la poétique du collage. Mais la texture est tout en finesse et transparence, les quatre tons (noir, bleu, ocre et rouge) en cohérence. Pour tourner ça comme tourne la Terre, il y a là la texture délicate de l’impression et l’impression fine de la magie.

Elle tourne comme ça, Martine Laffon et Icinori, Les Fourmis rouges (1^re éd. 2014), 32 pages, 14,50 euros. Icinori : http://icinori.com