Commission des finances : Les sueurs froides de l’exécutif

Les macroniens redoutent davantage l’élection d’un insoumis que celle d’un RN à la présidence de la commission des finances.

Michel Soudais  • 29 juin 2022 abonné·es
Commission des finances : Les sueurs froides de l’exécutif
© Benjamin Polge / Hans Lucas / AFP

À qui reviendra la présidence de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ? Depuis un mois, cette question inquiète la Macronie. Cette commission stratégique concentre toutes les attentions. Pour deux raisons : c’est la seule des commissions permanentes dont la présidence revient à un député de l’opposition, et le titulaire du poste est doté de superpouvoirs.

S’il organise les travaux des 73 députés de sa commission, son président est aussi juge de la recevabilité financière des propositions de loi et amendements – un privilège que détient également le président de l’Assemblée nationale –, l’article 40 de la Constitution imposant qu’ils ne diminuent pas les recettes ni n’aggravent les dépenses publiques. Une prérogative discrétionnaire. Mais ce sont surtout ses pouvoirs d’investigation qui donnent des sueurs froides aux cercles du pouvoir.

Plusieurs responsables ont de fait marqué une préférence pour le candidat du RN, Jean-Philippe Tanguy.

Le président de la commission des finances, rappelle Pierre Januel, « peut exiger la communication de tout document aux administrations et aux inspections » et « le secret fiscal ne lui est pas opposable ». « Il peut également, poursuit cet ancien attaché parlementaire du groupe écologiste devenu journaliste, auditionner ceux qu’il juge utile (sans possibilité d’y déroger), peut se faire assister par la Cour des comptes et lancer des missions d’information. »

Dès le 1er juin, Le Figaro évoquait les craintes de macroniens _« qu’un insoumis élu à la tête de la commission des finances dévoie ses larges prérogatives ». « Vous imaginez la fuite de données privées sur des dirigeants ?, s’inquiétait un ministre. On entrerait dans une période de sans-culottes, avec la guillotine à tous les niveaux. » Plus récemment, l’ancien président de cette commission, Éric Woerth (ex-LR rallié à Macron) assurait que « les insoumis ont visiblement en tête de faire du contrôle fiscal. Ce que je n’ai pas entendu au RN ».

Plusieurs responsables de la macronie, dont le ministre Marc Fesneau (MoDem), et le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, ont prétendu que le poste devait « revenir au premier groupe d’opposition », donc au Rassemblement national. À tort. L’article 39-3 du règlement de l’Assemblée nationale n’indiquant rien de tel, ils n’ont fait que marquer une préférence toute personnelle entre le candidat du RN, Jean-Philippe Tanguy, 36 ans, diplômé de l’Essec et de Sciences Po-Paris, qui a notamment travaillé auprès de la présidente de General Electric France, Clara Gaymard, et le candidat commun de la Nupes, Éric Coquerel. Le rapport de force entre les députés d’opposition au sein de la commission devrait toutefois permettre au député insoumis de l’emporter, ce 30 juin, lors du vote à bulletin secret.

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