Corinne Masiero : « Être vigilant à chaque injustice et, surtout, ouvrir sa gueule »
La comédienne Corinne Masiero porte la même énergie subversive à la ville et à la scène, jusqu’en politique.
dans l’hebdo N° 1710 Acheter ce numéro

Ses réponses frappent comme l’orage s’abat sur les pare-brise. Dans le ciel colérique duquel Vierzon a su fébrilement se protéger, en ce premier samedi de juin où se tient le Festival du film de demain, Corinne Masiero, sa présidente, siffle un air politique à chaque réplique. Cette semaine-là, pourtant, elle n’est pas la Capitaine Marleau (série télévisée sur France 2) qui distille ses saillies sociales sur l’actualité, ni cette femme précaire dormant dans sa Volvo (Louise Wimmer, de Cyril Mennegun). Avec la comédienne originaire du Nord, la défense des pauvres, le féminisme et la rage de vaincre ne se limitent à aucun personnage. Ces combats, qui débordent de sa vie (ou le tutoiement de camaraderie s’impose d’office), éclatent toujours devant la caméra.
Tu parles souvent de « prolophobie ». Qu’est-ce que tu entends par là ?
Corinne Masiero : Il y a un malaise, un mal-être que j’ai vécu très jeune et que j’avais du mal à qualifier. Tout ce que je savais, c’est qu’il se créait quand j’étais entourée de « gosses de bourges » – pour le dire vite. Une précision, déjà : on n’est pas responsables de la vulve par laquelle on vient. C’est ce que tu fais de ton héritage culturel et financier qui compte. Des intellos en ont parlé, mais ils n’utilisaient pas le terme de « prolophobie ». Eux parlaient de lutte de classes : je ne comprenais pas parce que, pour moi, cette expression renvoyait à la lutte de ceux qui travaillaient. Ça ne me concernait pas. Alors que j’en ai pris, moi, des grosses claques ! En cinquième, quand j’ai changé de collège, j’ai subi cette prolophobie en raison de ma manière de parler. Chez moi, dans le Nord, on parlait en patois. On m’a dit : « Ton accent, c’est sale. Ici, on parle correctement. » Tu imagines la violence ? On n’est pas bien, d’où on vient ? J’avais 12 ans !
J’en ai pris, moi, des claques ! Dans notre société, être pauvre consiste toujours à être éloigné des normes.
Autre exemple : quand j’étais gosse, je voulais faire de la danse. Je ne me rendais pas compte de tout ce que ça représentait comme symbole, mais bref : c’était mon rêve. J’avais des affiches dans ma chambre, etc. Quand je le disais autour de moi, on me répondait qu’il fallait aller à l’Opéra de Paris. Moi qui habitais à côté de Douai, même Lille j’y avais jamais foutu les pieds ! Je devais avoir 7 ans et, déjà, je me suis dit que ma vie était foutue. Et puis, un jour, j’apprends qu’il y a des cours à Lambres-Lez-Douai, pas très loin. Je tombe sur une espèce de cliché de la professeure de danse, avec une canne et un chignon tiré. Autour de moi, j’entends que les filles n’allaient pas dans la même école que moi. Elles allaient à Sainte-Clo’ [Sainte-Clotilde, NDLR]. Elles me toléraient. Un
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