La Chine génocidaire toujours bienvenue à la Fête de l’Humanité

Le dernier rapport de l’ONU parlant de « crime contre l’humanité » pour qualifier la répression de Pékin contre les Ouïgours n’a pas empêché la Chine d’être invitée, une nouvelle fois, à la Fête de l’Huma.

Hugo Boursier  • 12 septembre 2022
Partager :
La Chine génocidaire toujours bienvenue à la Fête de l’Humanité
© Photo : SERGE TENANI / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP.

Des livres célébrant Xi Jinping d’un côté, des Ouïgours qui meurent dans des camps de concentration de l’autre. Malgré d’ultimes preuves du massacre à l’encontre de la minorité musulmane, enfin reconnu par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme dans un rapport tardif rendu le 31 aoûtLHumanité a maintenu sa traditionnelle invitation du Parti communiste chinois (PCC) à la Fête de l’Huma, qui a eu lieu ce week-end.

Comme chaque année, et ce en dépit de nombreux rapports d’ONG, d’enquêtes journalistiques et d’alertes de la diaspora, Pékin a conservé les mains libres pour déverser sa propagande. Par l’intermédiaire de l’ambassade de Chine, également présente, le public pouvait se délecter de reportages parus dans la revue Dialogue Chine-France, éditée par les nouvelles Éditions de la Route de la soie, où le Xinjiang est vanté pour ses atouts touristiques, sa cuisine ou son parc industriel.

Comme si les 380 centres de « rééducation » où l’autorité chinoise s’adonne à des traitements inhumains n’existaient pas. Ou que le million de personnes qui y sont détenues se résumait à un mythe entretenu par les « ennemis américains ». Une diplomatie du black-out dont le seul but est de « promouvoir l’image de la Chine », _rappelait la chercheuse Séverine Arsène à nos confrères de CheckNews, dès 2019. À la Fête de l’Huma, parmi les députés de la Nupes présents sur place, seuls quelques élus écologistes ont voulu protester, en brandissant des pancartes pour rappeler le génocide en cours. Une action symbolique qui n’apparaît pas dans le compte rendu de _LHuma sur l’événement organisé par le journal.

La nouvelle arme de Pékin : la faim

Fortement médiatisée, la répression dans les camps, que le régime qualifie de « rééducation », s’organise et prend des formes diverses hors les murs. La nouvelle arme utilisée par Pékin ? La faim. Depuis le confinement strict décrété en août par le pouvoir central dans plusieurs villes, dont la capitale, Urumqi, des habitants se plaignent de ne pas pouvoir s’alimenter ou se soigner. Bloqués chez eux, certains affirment que le régime les affame délibérément. Des témoignages, et notamment des vidéos, grossissent jour après jour le hashtag #StarvationGenocide créé sur Twitter.

Si un débat sur la confrontation entre la Chine et les États-Unis était organisé dans l’espace international du festival, le « Village du monde », impossible de savoir qu’au même moment des Ouïgours étaient descendus dans les rues de Ghulja pour dénoncer la politique de Xi Jinping. Des témoignages publiés sur les réseaux sociaux évoquent aussi l’arrestation de plusieurs manifestants.

La charte de la Fête de l’Huma promettait « un lieu de partage, de solidarité et de lutte contre toutes les violences et les discriminations »…

Les organisateurs de la Fête de l’Huma, dont la charte promettait « un lieu de partage, de solidarité et de lutte contre toutes les violences et les discriminations », ne semblent pas avoir pris connaissance de ces faits. À moins qu’ils ne préfèrent fermer les yeux devant les agissements de l’encombrant PCC, même quand « les allégations de pratiques de torture, […] de traitements médicaux forcés et de mauvaises conditions de détention, tout comme les allégations d’incidents individuels de violences sexuelles et sexistes [à son encontre] sont crédibles », annonce l’ONU. Contacté, Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis et directeur de LHumanité, n’a pas répondu à notre sollicitation.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Aux États-Unis, « une esthétique de la peur au cœur de la médiatisation des expulsions »
Donald Trump 20 octobre 2025 abonné·es

Aux États-Unis, « une esthétique de la peur au cœur de la médiatisation des expulsions »

Chercheur spécialiste des expulsions forcées, WIlliam Walters décrypte la façon dont l’administration Trump organise sa politique migratoire. Il explique également comment la communication autour de ces pratiques violentes est présentée comme un « spectacle » pour le public américain.
Par Pauline Migevant
Comment Trump et les Gafam empêchent la résistance contre les expulsions forcées
Expulsion 20 octobre 2025 abonné·es

Comment Trump et les Gafam empêchent la résistance contre les expulsions forcées

L’application ICEBlock, qui permettait d’anticiper les raids des forces spéciales anti-immigration, a été fermée par Apple, en accord avec Donald Trump. Politis donne la parole à son développeur, en colère contre la trahison du géant américain.
Par Sarah Laurent
Budget record pour l’ICE : Trump déploie sa machine anti-immigration
Décryptage 20 octobre 2025

Budget record pour l’ICE : Trump déploie sa machine anti-immigration

Avec plus de 120 milliards de dollars prévus d’ici à 2029, l’agence de l’immigration américaine connaît une expansion sans précédent. Centres de détention, recrutements massifs et expulsions à la chaîne deviennent les piliers du programme Trump.
Par Maxime Sirvins
Gen Z : l’internationale contestataire
Monde 17 octobre 2025 abonné·es

Gen Z : l’internationale contestataire

Comme en 1968, une jeunesse mondiale se lève à nouveau, connectée, inventive et révoltée. De Rabat à Katmandou, de Lima à Manille, la « Gen Z » exprime sa colère contre la corruption, les inégalités et la destruction de l’environnement.
Par Olivier Doubre