« La revanche des bibliothécaires » de Tom Gauld : une mine d’or comique

Le dernier ouvrage du dessinateur écossais paraît traduit en français. L’occasion de se délecter de cet humour britannique spirituel et ciselé, servi par un minimalisme graphique.

Guillaume Deleurence  • 12 octobre 2022 abonné·es
« La revanche des bibliothécaires » de Tom Gauld : une mine d’or comique
© Tom Gauld publie son nouvel opus, rassemblant cinq années de dessins pour le supplément littéraire du Guardian. (Photo : Tom Gauld/éditions 2024.)

La planche qui donne son titre au dernier livre de Tom Gauld paru en français, La Revanche des bibliothécaires, résume de façon parfaite tout l’esprit des strips décalés et subtils du dessinateur : envoyés sous terre pour d’obscures raisons, les bibliothécaires finissent par prendre leur revanche et le pouvoir, transformant chaque mur existant en étagère, imposant au passage et au monde leur redoutable système de classification hexadécimal.

La Revanche des bibliothécaires, Tom Gauld, traduit de l’anglais par Éric Fontaine, éditions 2024, 160 pages, 17 euros.

« Il y avait une politique en Angleterre de couper les financements des bibliothèques. Je voulais faire un dessin en soutien aux bibliothécaires, mais je me suis dit que je ne pouvais pas faire quelque chose de mignon en disant qu’ils sont formidables. Au contraire, si je faisais d’eux les grands méchants, on verrait que c’est absurde », expliquait-il lors d’une [récente conférence à la Maison de la poésie à Paris](La planche qui donne son titre au dernier livre de Tom Gauld paru en français, La Revanche des bibliothécaires, résume de façon parfaite tout l’esprit des strips décalés et subtils du dessinateur : envoyés sous terre pour d’obscures raisons, les bibliothécaires finissent par prendre leur revanche et le pouvoir, transformant chaque mur existant en étagère, imposant au passage et au monde leur redoutable système de classification hexadécimal. « Il y avait une politique en Angleterre de couper les financements des bibliothèques. Je voulais faire un dessin en soutien aux bibliothécaires, mais je me suis dit que je ne pouvais pas faire quelque chose de mignon en disant qu’ils sont formidables. Au contraire, si je faisais d’eux les grands méchants, on verrait que c’est absurde », expliquait-il lors d’une récente conférence à la Maison de la poésie à Paris.).

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Ce nouvel opus, qui regroupe cinq années de planches publiées chaque semaine dans le prestigieux cahier littéraire du Guardian, fait suite au Département des théories fumeuses paru en 2020 aux éditions 2024, davantage branché sciences : Tom Gauld livre en effet aussi chaque semaine un dessin au New Scientist.

Autant de contraintes hebdomadaires qui lui permettent de jouer, en quelques cases – parfois une seule – avec tout un petit monde aussi farfelu que fin, dépeignant sans snobisme (qu’il pourfend) et avec tendresse – et ce qu’il faut de petites piques mordantes – le monde des livres ou des labos de recherche.

Godot en visio et robots écrivains

Dans La Revanche des bibliothécaires, on croise en vrac Vladimir et Estragon qui attendent éperdument Godot dans une réunion en visio (confinement oblige) ne démarrant évidemment jamais, des robots dotés d’un algorithme d’écriture qui n’écrivent rien sauf pour prévenir l’éditeur que, promis, ils auront « très bientôt » fini, une « étude des strates de la pile chancelante de livres non lus à côté de mon lit », ou encore un détective bibliophile qui demande à tous les suspects de se réunir dans la bibliothèque… juste pour se gargariser de ses éditions originales.

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Des facéties et des pirouettes spirituelles, britanniques en diable, servies par une épure et un minimalisme du dessin : des personnages bâtons ou réduits à la plus simple expression, quelques traits, des diagrammes, des infographies, des signalétiques… Le graphisme comme les textes sont au service d’une efficacité humoristique maximale.

J’essaie de faire en sorte que le plus de choses possibles se passent dans la tête du lecteur.

« J’essaie de faire en sorte que le plus de choses possibles se passent dans la tête du lecteur. En faisant de la BD, je me suis rendu compte que raconter des histoires était tellement compliqué que je n’avais pas de temps à consacrer à des dessins extrêmement élaborés. Et j’ai constaté que ce style correspondait bien au genre de blagues que j’avais envie de raconter : il faut que ce soit très clair. »

Tom Gauld, passé par le Royal College of Art de Londres, cite comme références Edward Gorey, Gary Larson, Roz Chast ou Liana Finck. Son style bien à lui a séduit jusqu’au mythique New Yorker, qui lui confie régulièrement la tâche de dessiner sa prestigieuse couverture.


À lire aussi de Tom Gauld, traduits en français : Vous êtes tous jaloux de mon jetpack, En cuisine avec Kafka, Le Département des théories fumeuses, Vers la ville, Police lunaire, Goliath (éditions 2024), Le Petit Robot de bois et la princesse bûche (École des loisirs).

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Littérature
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