Cinq ans de prison pour avoir voulu rejoindre le Hamas

C’est une décision inédite rendue par le tribunal correctionnel de Paris, ce 4 novembre, en condamnant un homme pour avoir voulu rejoindre l’organisation palestinienne.

Nadia Sweeny  • 7 novembre 2022
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Cinq ans de prison pour avoir voulu rejoindre le Hamas
© Un jeune Palestinien, portant les couleurs du Hamas, lors d'affrontements avec les forces israéliennes le 25 octobre, à Ramallah. (Photo : Abbas MOMANI / AFP.)

La situation est inédite pour la 16è chambre du tribunal correctionnel de Paris, plutôt habituée à juger des jihadistes prêts à rejoindre Al Qaïda ou Daech. Ce vendredi 4 novembre, c’est un homme de 38 ans qu’elle a condamné pour avoir voulu rejoindre le groupe palestinien Hamas.

Un groupe nationaliste islamiste issu d’une branche des Frères musulmans, inscrit sur les listes européennes des organisations terroristes mais qui ne prône pas le jihad global et ne recrute pas à l’extérieur. Une position que les spécialistes cités par le tribunal qualifient de « jihad défensif ».

Le mis en cause, originaire de l’est de la France, père de cinq enfants, a déjà eu maille à partir avec la justice pour des détentions d’armes illicites. Mais c’était quelques années avant d’effectuer en juillet 2020 un voyage étrange en Turquie, jusqu’à la frontière syrienne pour, dit-il, « faire le pèlerinage jusqu’à la Mecque à pied pour expier mes péchés »

Celui dont aucun contact avec des organisations terroristes locales types Daech ou Al Qaïda n’a été retrouvé, a prétexté ne pas savoir qu’il était impossible de traverser la Syrie, toujours théâtre de guerre, pour rejoindre, selon lui, la Jordanie et atteindre l’Arabie Saoudite.

Devant la frontière syrienne, s’apercevant du danger, le converti achète un billet d’avion pour La Mecque. Mais l’Arabie Saoudite ferme ses portes : c’est la deuxième vague de Covid. Le Français découvre que son pays l’a blacklisté – il ne peut pas percevoir l’argent envoyé par sa femme – et décide donc de rentrer. « Je pensais qu’on allait m’arrêter à la frontière, mais rien. »

Parcours sans cohérence

Ce n’est que quelques semaines plus tard, en septembre 2020, qu’il prend contact avec la branche politique de l’organisation Hamas. Ses messages sont clairs : il veut « rejoindre en combattant » l’organisation Hamas. « Mon destin est de mourir en combattant contre ces diables israéliens », écrit-il. Le tribunal l’accuse de vouloir prendre les armes ici ou là-bas.

« Je ne suis pas entré en contact avec la branche armée, se défend-il aujourd’hui. Je voulais être un combattant politique. Je ne crois pas que la Palestine gagnera un combat armé mais bien politique », a-t-il déclaré, affirmant ne pas savoir que le Hamas était considérée comme une organisation terroriste en France.

« J’ai même partagé sur Facebook un message du Hamas qui condamne les attentats en France et en Autriche », s’émeut-il. « Le Hamas a été élu par le peuple palestinien, ils sont légitimes, c’est pour ça que j’ai voulu les aider et rejoindre le combat politique. Pour moi, ils sont chez eux, ils se défendent. Ils sont dans leur droit. »

Les observateurs font état d’une absence de radicalisation violente.

Cette tentative de rejoindre l’organisation Hamas n’ira pas plus loin que quelques mails et messages, rapidement éludés par ses interlocuteurs : l’organisation palestinienne ne recrute pas d’étrangers.

Bien embarrassé par le manque de cohérence de ce parcours, mais aussi par son profil – en prison, les observateurs des quartiers de prise en charge de la radicalisation font état d’une absence de radicalisation violente – le tribunal a considéré que le voyage en Turquie, pourtant antérieur aux contacts avec l‘organisation palestinienne, avait pour but de rejoindre ladite organisation.

L’homme a ainsi été condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis probatoire, pour association de malfaiteurs terroriste.

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