La CGT obtient en justice l’exclusion de la CGT PSA-Poissy

Le tribunal de Bobigny a tranché. Les militants du syndicat « historique » de l’usine Peugeot-Citroën de Poissy, dont Jean-Pierre Mercier, ne peuvent plus prétendre appartenir à la CGT. L’aboutissement d’un an de guerre fratricide au sein de la confédération.

Pierre Jequier-Zalc  • 9 décembre 2022
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La CGT obtient en justice l’exclusion de la CGT PSA-Poissy
Le 29 septembre 2022, Jean-Pierre Mercier et ses camarades de la CGT PSA-Poissy protestaient en marge du cortège syndical contre leur exclusion annoncée de la CGT.
© Michel Soudais

18 octobre 2022. En pleine grève dans les raffineries, une mobilisation interprofessionnelle est organisée dans le pays. À Paris, les syndicats défilent pour des hausses de salaires, unis. Pourtant, dans le défilé, à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre, deux cortèges siglés de la CGT de la même entreprise, manifestent sans un regard l’un pour l’autre.

Devant, la CGT Stellantis-Poissy, du nouveau nom du groupe issu de la fusion entre Peugeot-Citroën et Fiat. Derrière, la CGT PSA-Poissy, représentée par son chef de file, le très médiatique et militant historique du groupe Peugeot-Citroën, Jean-Pierre Mercier, par ailleurs numéro 2 de Lutte Ouvrière. Ce sera une des dernières fois qu’il arborera une chasuble siglée CGT.

En effet, un conflit fratricide a abouti à l’exclusion du syndicat historique de la CGT du site PSA de Poissy (Yvelines) au profit d’une nouvelle organisation, la CGT Stellantis-Poissy, soutenue par la Fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM). Entre ces deux camps, les accusations fusent et chacun se positionne comme « le défenseur des salariés » et représentant de « la démocratie syndicale ».

« La FTM a décidé de faire le ménage pour exclure des militants qui sont un peu trop indépendants, et pas assez obéissants », assène Jean-Pierre Mercier qui poursuit : « La fédération a demandé à notre syndicat de faire un congrès car il y avait une contestation de quelques délégués au sein du groupe. En novembre 2021, on a fait un congrès aux Mureaux avec 193 adhérents. Les contestataires ne sont pas venus. Et on a gagné très largement. Mais la semaine suivante, une seconde CGT a été créée et la fédération l’a reconnue comme seul syndicat CGT du site. »

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Celui qui a mené une importante mobilisation dans l’usine PSA d’Aulnay en 2013, avant de rejoindre le site de Poissy, juge « la ficelle un peu grosse et contraire au statut de la CGT ». Une décision néanmoins validée par le tribunal judicaire de Versailles.

Large score à l’assemblée générale

Délégué syndical central de toute la CGT de PSA depuis 2015, il a également perdu son mandat en mai dernier au profit de Michael Imhoff, un élu de l’usine de Trémery (Moselle), soutenu par la FTM. Et cela, malgré son outrageux score de 88% obtenu à l’assemblée générale regroupant des représentants de la CGT de toutes les usines du groupe. Un vote jugé sans valeur, la CGT-PSA étant déjà exclue de la CGT à ce moment-là.  Contactée, la fédération n’a jamais répondu à nos questions.

Jean-Pierre, c’est le roi pour dire qu’il défend la démocratie syndicale.

Dans le cortège, ce 18 octobre, les membres du nouveau syndicat CGT Stellantis-Poissy ne l’entendent absolument pas de cette oreille. « Jean-Pierre, c’est le roi pour dire qu’il défend la démocratie syndicale. Mais sa démocratie, c’est celle qui l’arrange », souffle Brahim* qui a milité avec lui 15 ans avant cette scission.

*

Le prénom a été changé.

Avec ses camarades, ils accusent Jean-Pierre Mercier d’avoir organisé ce congrès à « ses conditions ». « Il a ramené des anciens salariés qui ne travaillaient plus sur notre site, des adhérents d’autres syndicats, des membres de LO… Trois quarts des gens ne savaient pas pourquoi ils étaient là. » En parlant, il nous montre soudain du doigt une personne sur le côté du cortège. « Lui, il était là par exemple. Mais ce n’est pas quelqu’un de l’entreprise. »

Jean-Pierre, c’est un politicien.

Pour les membres de ce nouveau syndicat, dont la plupart ont été biberonnés depuis de nombreuses années au syndicalisme version Jean-Pierre Mercier, le porte-parole de LO est allé trop loin. « Il ne respectait plus la CGT. Jean-Pierre, c’est un politicien, qui place ses intérêts avant ceux de la CGT et des salariés du site. »

Même si les membres de la nouvelle CGT refusent ce terme, la fédération a toujours été moins « radicale » que la ligne dure portée par le numéro 2 de LO. « La fédération a une politique de reprise en main pour faire mener au nouveau syndicat une politique de dialogue social plus que de luttes de classes. » Son engagement à LO, en revanche, n’est pas, pour lui comme pour ses « adversaires », déterminant dans ce conflit. « Si on pense que c’est LO le problème, on n’a rien compris. Je ne suis pas un bon petit soldat, c’est ça qu’on me reproche », souffle Jean-Pierre Mercier.

Je ne suis pas un bon petit soldat, c’est ça qu’on me reproche.

Interdiction de se revendiquer de la CGT

Dans le cortège du 18 octobre, l’ex-délégué syndical central défilait toujours avec sa chasuble rouge floquée CGT. « Soutien Jean-Pierre ! » lui crie à la volée une manifestante. Deux jours plus tard, les autres militants du syndicat historique et lui sont poursuivis devant le tribunal de Bobigny pour leur interdire de se revendiquer de la CGT et d’en porter le logo.

Sur le même sujet : Victoire pour les PSA de Poissy après 44 jours de grève de la faim

Ce vendredi 9 décembre 2022, le délibéré est tombé. Les militants de l’ex CGT PSA-Poissy sont exclus avec interdiction de se revendiquer et de porter le logo de la CGT. « La FTM a donc réussi à obtenir, via la justice, l’exclusion d’un syndicat entier au moment où les attaques du patronat et du gouvernement se font encore plus fortes ! » ont-ils réagi dans un communiqué.

C’est un peu le sentiment général qui règne quand on prend du recul sur cette affaire. Car à Stellantis comme ailleurs, les raisons ne manquent pas de se mobiliser. Hausse des profits du groupe, inflation galopante, réforme des retraites à venir… Sans parler du salaire démentiel du PDG, Carlos Tavarez, qui a gagné pas moins de 66 millions d’euros en 2021.

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