Retraites : retour sur une soirée de combat féministe, organisée par Politis

Mercredi 15 février au soir, près d’un millier de personnes se sont rassemblées salle Olympe-de-Gouges (Paris 11è) à l’appel de Politis pour un meeting féministe contre la réforme des retraites. En ligne de mire, la semaine cruciale du 8 mars. Retour sur une soirée galvanisante.

Lily Chavance  • 16 février 2023
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Retraites : retour sur une soirée de combat féministe, organisée par Politis
Léa Filoche, adjointe à la maire de Paris, Rachel Keke, députée LFI et Mireille Dispot, secrétaire nationale de la CFE-CGC) sur la scène de la salle Olympe-de-Gouges, ce 15 février 2023.
© Michel Soudais

« Un combat féministe ». Ce mercredi 15 février, salle Olympe-de-Gouges dans le 11e arrondissement de Paris, plus de trente intervenantes, ouvrières, cadres, salariées du public et du privé, syndicalistes, intellectuelles, artistes et politiques se sont succédées sur l’estrade pour un meeting contre la réforme des retraites, organisé par Politis. Une soirée à retrouver intégralement en vidéo, ci-dessous.

L’objectif était de dénoncer le caractère sexiste du projet d’Emmanuel Macron et son gouvernement. À un rythme cadencé, pendant près de 3 heures, remarques enthousiasmantes, témoignages d’espoir et avertissements sur les prochaines échéances de lutte ont fusé. Au programme de la soirée : décrypter la réforme, en souligner l’injustice profonde envers les femmes, proposer des alternatives et anticiper la suite du combat.

À 19 h, devant une salle comble, le rassemblement s’est donc ouvert joyeusement au son de la fanfare féministe Les Muses Tanguent et des célèbres chroégraphies des Rosies.

Les Muses Tanguent
Les Muses Tanguent et Les Rosies ont ouvert joyeusement le bal, devant une salle comble. (Photos : Michel Soudais.)
Meeting féministe Politis

Suivent les premières prises de parole, plongeant au cœur de cette réforme dont les femmes sont les principales victimes. « Toutes les réformes passées sont le fruit de doctrines libérales », assène en préambule Christiane Marty chercheuse, membre d’Attac et de la Fondation Copernic.

Christiane Marty, membre d’Attac (ci-dessus) et Rachel Silvera, économiste (ci-dessous). (Photos : Michel Soudais.)
Rachel Silvera

L’économiste Rachel Silvera poursuit en tissant une métaphore autour de la « boîte de verre » dans laquelle se trouvent les femmes. En haut, un plafond qui les empêche encore d’atteindre des postes à responsabilité. Sur les côtés, des parois qui les maintiennent dans un nombre restreint de secteurs : métiers du soin, du lien, de l’éducation… En bas, enfin, un sol collant qui les maintient dans la précarité. « Les femmes ont des déroulements de carrière et des salaires plus faibles », rappelle l’économiste.

Les inégalités ne sont pas que reproduites à la retraite, elles sont renforcées.

Lors d’une des trois tables rondes, syndicalistes, militantes associatives et politiques dressent le portrait d’une réforme « profondément inégalitaire ». « Les inégalités ne sont pas que reproduites à la retraite, elles sont renforcées », introduit Sigrid Girardin, secrétaire nationale générale du SNUEP-FSU.

La militante féministe Caroline de Haas monte ensuite sur scène pour rappeler les « cinq mensonges du gouvernement » : une réforme qui serait « indispensable », au service des femmes et des plus faibles, pour l’emploi des séniors. Chaque mensonge est brillamment démonté.

Caroline de Haas meeting politis retraites
Caroline de Haas. (Photo : Michel Soudais.)

Pour illustrer ses propos, plusieurs travailleuses, caissières, AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap), infirmières, viennent raconter leur quotidien à la tribune. « Nous voulons travailler, certes, mais dans de bonnes conditions », raconte Dominique Ribesois, cheffe de rayon à Monoprix, qui affirme ne pas pouvoir tirer des palettes jusqu’à 67 ans. Des horizons professionnels différents mais un mot d’ordre : la pénibilité de leur travail, où se conjuguent fatigue morale et physique.

Dominique Ribesois, cheffe de rayon à Monoprix. (Photo : Michel Soudais.)
Anissa et Virgine meeting féministe politis retraites
Virginie Cassand, AESH syndiquée à la SNES-FSU et Anissa Amini, aide-soignante en Ehpad, secrétaire fédérale de Sud Santé, ont témoigné de leurs difficiles conditions de travail. (Photo : Michel Soudais.)

Virginie, AESH, raconte ainsi sa carrière hachée, faite de CDD à répétition, de temps partiel et de chômage subi. Quelques instants plus tard, lors de la seconde table ronde, c’est Rachel Keke, députée La France insoumise, qui redonne de l’espoir, galvanisant la salle et lui faisant répéter à maintes reprises : « Non au rabaissement, non à l’humiliation, nous allons tenir tête à ce gouvernement. Ils vont reculer (…) Il faut bloquer le pays ».

Rachel Keke meeting Politis retraites féministe
Rachel Keke, députée La France insoumise, a électrisé la salle Olympe-de-Gouges. Derrière elle, Léa Filoche, adjointe à la Maire de Paris en charge des solidarités. (Photo : Michel Soudais.)

Car c’est la question présente dans toutes les bouches. Comment faire reculer ce gouvernement ? Pour toutes les intervenantes, la construction d’une lutte féministe forte est primordiale. Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) évoque, lors de la troisième table ronde, son « rêve » de voir le 8 mars devenir le « point de bascule contre cette réforme et que celui-ci soit à l’initiative des femmes ».

Marine Tondelier EELV meeting politis retraites féministe
Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV (ci-dessus) et Murielle Guilbert, de l’Union syndicale Solidaires. (ci-dessous). (Photos : Michel Soudais.)
Murielle Guilbert meeting Politis féministe

Cette journée internationale pour les droits des femmes se situe en effet au lendemain d’une très forte journée de mobilisation interprofessionnelle, qui s’annonce comme un tournant de la lutte contre la réforme. « L’intersyndicale appelle à durcir le mouvement. Le 7 mars, il faut une France à l’arrêt, quels que soient vos moyens, soyez en grève, soyez dans la rue. Plus rien ne doit fonctionner le 7 mars », clame Murielle Guilbert, co-secrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires.

Le 7 mars, il faut une France à l’arrêt, quels que soient vos moyens.

Emma Rafowicz, adjointe PS au maire du 11e arrondissement, poursuit en réaffirmant l’importance des journées de mobilisation à venir : « Nous serons derrière les syndicats demain, mais tous les autres jours aussi, pour que les femmes puissent retrouver le chemin de l’égalité. »

Emma Rafowicz meeting Politis retraites féministe
Emma Rafowicz, présidente des jeunes du PS, adjointe au maire du 11e arrondissement de Paris (ci-dessus) et Anne Leclerc, du Collectif national pour les droits des femmes (ci-dessous).(Photos : Michel Soudais.)
Anne Leclerc meeting politis retraites féministe

Anne Leclerc, du Collectif national pour le droit des femmes (CNDF), poursuit en rappelant la nécessité d’ouvrir la lutte à une dimension internationale. « Il faut placer le 8 mars sous le signe de la solidarité, pour les femmes iraniennes, afghanes, kurdes et ukrainiennes ». « Pour une fois, servons de modèle, plutôt que de prendre les autres pour modèle », abonde Najat-Vallaud-Belkacem, ancienne ministre au droit des femmes.

Najat Vallaud-Belkacem meeting politis retraites féministe
Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l’Éducation nationale. (Photo : Michel Soudais.)

En guise de transition, la chanteuse Mathilde fait se soulever la salle, poing levé, sur sa musique « Libre ». Cette « liberté », pensée par les intervenantes, engage dans la foulée les propositions d’alternatives. Imane Ouelhadj, présidente de l’UNEF, soumet l’idée de prendre en compte les années d’études dans le calcul de la retraite.

Mathilde meeting politis féministe retraites
La chanteuse Mathilde (ci-dessus), Sophie Binet de la CGT et Imane Ouelhadj de l’UNEF (ci-dessous.) (Photos : Michel Soudais.)
Sophie Binet et Imane meeting politis féministe retraites
Laurence Rossignol et Audrey Pulvar politis meeting féministe retraites
Laurence Rossignol, ancienne ministre des Droits des femmes et Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris. (Photo : Michel Soudais.)

L’adjointe à la maire de Paris, Audrey Pulvar, tient a rappeler de son côté que cette réforme devrait s’intéresser à la question de l’emploi des jeunes, des séniors, « mais aussi à la fiscalité et à la taxation des très riches ». « Il faut mettre à contribution le capital pour le financement », renchérit Sophie Binet, de la CGT qui brandit un chèque symbolique de 8 milliards d’euros – montant que rapporterait à l’État l’effectivité de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes – destiné à la CNAV et signé par le patronat.

Il faut mettre à contribution le capital pour le financement.

« Si on voulait l’égalité, on pourrait l’avoir », poursuit Sandrine Rousseau, avant de rappeler que chaque semaine, une femme travail au minimum 8 h gratuitement de plus que les hommes afin d’effectuer les tâches domestiques.

Violaine de Filipis et Sandrine Rousseau Politis meeting féministe retraites
Violaine de Filippis (Osez le féminisme) et Sandrine Rousseau, députée EELV (ci-dessus) et Clémentine Autain, députée LFI (ci-dessous), aux côtés d’Anne Leclerc (CNDF). (Photos : Michel Soudais
Anna Leclerc et Clémentine Autain politis meeting féministe retraites

C’est Clémentine Autain, députée LFI, qui clôture la soirée de débats et de prises de parole en ces termes : « Le féminisme n’est pas une question sociétale, mais une question sociale. Il n’y a aura pas d’amélioration des conditions de vie des femmes s’il n’y a pas d’amélioration des droits, des acquis sociaux ».

Le féminisme n’est pas une question sociétale, mais sociale.

22 heures, c’est le bouquet final. Regroupées sur scène, artistes, députées, intellectuelles, chercheuses, représentantes syndicales, travailleuses entonnent l’hymne des femmes, autour de l’artiste chansonnière Mathilde, d’une même voix. Toutes symbolisent l’union féministe contre cette réforme. Un rassemblement qui permet d’y croire.

Toutes les intervenantes de la soirée, réunies sur scène, pour clore cette grande soirée féministe de combat. (Photo : Michel Soudais.)

« J’étais déjà mobilisée, mais ce meeting a été très important pour pousser à la dynamique », confie Louise, étudiante de 20 ans, présente dans le public. Nathalie, fonctionnaire de 52 ans : « On ne peut pas sortir de cet événement vide. Ce sont des motivations et des actions qui nous parlent mais qui donnent aussi indéniablement de l’allant ».

En passant de l’indignation à l’appropriation et à la révolte, ce rendez-vous féministe a marqué le coup et les esprits. En plein mouvement social, il donne le ton des mobilisations à venir et rappelle à quel point cette bataille des retraites est aussi, et avant tout, un « combat féministe ». Un combat à mener pour ne pas se diriger dans la gueule ouverte de la fatalité énoncée.

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