« Le mépris du gouvernement est criminel »
Ancienne leader syndicale des femmes de chambre en lutte, la députée insoumise Rachel Keke est bien placée pour mesurer les iniquités de la réforme des retraites. Mais aussi la distance entre le pouvoir et les classes populaires.
dans l’hebdo N° 1744 Acheter ce numéro

© Maxime Sirvins
Le calme avant la tempête. Alors que l’Assemblée nationale vibre depuis le début de la semaine au gré des échanges houleux entre les députés et le gouvernement, ce lundi 6 février, quelques heures avant l’entrée du texte dans l’Hémicycle, seuls quelques chuchotements de collégiens bruissent devant les bancs rouges et vides des parlementaires.
Les jeunes viennent de Rungis, au plein cœur de la circonscription de Rachel Keke. Elle s’approche : « Alors, ça vous fait quoi de voir l’Assemblée nationale ? » On pourrait lui retourner la question. Plus de six mois après s’être installée au fauteuil 616, l’ancienne porte-parole de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles fait le bilan.
Elle nous dit qu’en rentrant chez elle, il lui arrive d’être sonnée devant tant d’hypocrisie. De faux engagements. « Le peuple n’est pas défendu par la majorité », déplore celle qui est, aujourd’hui, cheffe de file pour La France insoumise sur les questions de pénibilité. En matière de métier difficile, elle en connaît un rayon. Un disque du dos déplacé, une tendinite, des douleurs aux genoux. Un quotidien que vivent de nombreux travailleurs. Et que beaucoup d’élus ignorent.
Lundi soir, alors que l’Assemblée est devenue un chaudron, elle scande devant les soutiens de la réforme : « Vous n’avez pas le droit de mettre à genoux les gens qui tiennent la France debout. » En n’oubliant pas de préciser que la gauche sera dans la rue. Car Rachel Keke a aussi dans son CV quelque chose qui se fait rare : la lutte victorieuse.
Trouvez-vous que la réforme des retraites présentée par le gouvernement prend en considération la pénibilité ?
Rachel Keke : On ne peut pas travailler durement jusqu’à 64 ans. Un éboueur qui, chaque jour, tire les poubelles, parfois les soulève, n’en peut déjà plus à 50 ans ! Ces métiers causent des douleurs au dos, provoquent des tendinites. Tous les métiers pénibles détruisent le corps. Je dois faire entendre la voix de ces travailleurs, moi qui viens de là, parce que la majorité ne tient pas compte de leur quotidien.
Quels liens gardez-vous avec la lutte que vous avez menée ?
Même députée, je n’oublie pas d’où je suis partie. Je peux me réjouir d’être là où je suis actuellement et du chemin parcouru, mais d’autres continuent de souffrir. Quand je vais sur des piquets de grève, les salariés me disent tous qu’ils sont lessivés. Certains me racontent que leur premier boulot stable était à 30 ans et qu’ils sont inquiets de leur âge de départ à la retraite.
Il y a une souffrance du peuple, dehors. Mais à l’Assemblée, on le méprise.
D’autres me disent que leur maladie professionnelle n’a pas été reconnue. Mais ils n’ont pas le choix. Ils doivent travailler et souffrent pour nourrir leurs enfants et payer leur loyer. Ils n’ont plus de vacances. Plus de vie. C’est le travail, puis la tombe. Alors, quand on les méprise à l’Assemblée nationale, ça me fait vraiment mal.
Comment ce mépris se manifeste-t-il au sein de l’Hémicycle ?
Quand on veut faire condamner les employeurs qui maltraitent leurs salariés ou ne paient pas leurs heures supplémentaires, les macronistes s’empressent de dire « non ». Ils protègent toujours le patron. Et se fichent du salarié, même s’il souffre. Mais, parallèlement à
Il vous suffit de vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire :
Pour aller plus loin…

« Cette réforme instrumentalise la cause des femmes »

Ce que le 49.3 fait à la jeunesse

Retraites : la rue s’embrase contre Macron le pyromane
