« Je n’aspirais qu’à une chose : continuer mes études »

Ouahiba M’Barki est lycéenne, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Elle a pris sa plume pour adresser cette lettre au préfet du Val-d’Oise, Philippe Court.

Politis  • 8 février 2023
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« Je n’aspirais qu’à une chose : continuer mes études »
© Chris Barbalis / Unsplash.

Son seul souhait : rester en France pour étudier et devenir chirurgienne. Mais l’administration semble être tout entière contre elle. Ouahiba M’Barki est lycéenne, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Ses ami·es organisent vendredi 10 février un rassemblement de soutien et, de son côté, elle a pris sa plume pour adresser cette lettre au préfet du Val-d’Oise, Philippe Court.


Monsieur le préfet,

Je me présente, je m’appelle Ouahiba M’Barki. Je suis d’origine marocaine. Lycéenne en terminale scientifique à Saint-Denis, j’aimerais réaliser mon rêve d’enfance : devenir chirurgienne.

À mes 15 ans, mes parents ont décidé d’aller vivre en France, croyant que la France était un pays honorable, où il fait bon vivre. J’étais contre au début, je ne voulais pas laisser mes amies, ma scolarité, mes souvenirs ni mon pays natal derrière moi.

Au final, j’ai accepté leur décision. Mon père me répétait toujours : « Avec ton bon niveau scolaire ici, en France, tu vas être la première de ton lycée » ; « En France, on aime beaucoup les personnes intelligentes » ; « En France, tu pourras réaliser ton rêve sans avoir aucune complication » ; « En France, tu pourras exercer ton métier de rêve, tu peux travailler, alors qu’au Maroc, non. »

J’étais persuadée que c’était vrai. J’étais ravie d’aller vivre dans un nouveau pays et d’y devenir chirurgienne. Le 19 avril 2019, je mets les pieds en France. J’étais vraiment contente, je m’imaginais avec de nouveaux amis. Je me suis toujours dit que la France devait être un pays splendide.

Cependant, depuis la fin de l’année 2019, je ne vois que des jours sombres, des moments de tristesse. J’étais peinée parce que je ne pensais pas que cela serait si compliqué d’être une étrangère en France.  J’entre en seconde au lycée Frédéric-Bartholdi et me retrouve dans une classe pour les élèves en décrochage scolaire [MLDS : Mission de lutte contre le décrochage scolaire], alors que j’avais simplement demandé de poursuivre mes études.

Je me demandais : « Qu’ai-je fait pour avoir une telle punition ?« 

Je pleurais chaque jour, je voulais me réveiller de ce cauchemar. Et alors que je traversais une période très difficile, je restais concentrée sur mes études. La seule chose qui me rendait heureuse, c’était mes notes : premier semestre, 16/20, et deuxième semestre, 18/20.

En 2020, on me trouve enfin une classe pour me réintégrer au lycée afin que je ne sois plus dans une classe de décrochage scolaire. Je me retrouve alors avec un dossier montrant que j’ai redoublé ma seconde, bien que j’aie obtenu d’excellentes notes en MLDS. Je n’ai pu qu’accepter. Je me retrouve ensuite au lycée Paul-Éluard en ayant « redoublé » la seconde. Les profs sont sympathiques et bienveillants, je n’oublierai jamais à quel point ils ont été gentils avec moi !

On me propose de commencer les démarches administratives afin d’obtenir un titre de séjour. Avril 2021, je fais la demande. Un mois après, je reçois une lettre disant que ma demande a été archivée en raison d’un manque de documents. Je fais une nouvelle demande.

Début janvier, on me donne un rendez-vous afin de me fournir un récépissé. J’étais ravie, je me répétais : « Enfin, l’enfer est fini ». Malheureusement, on ne m’a pas trop laissée rêver, le 26 janvier 2022, je recevais une lettre qui m’obligeait à quitter le territoire français. Je me demandais : « Qu’ai-je fait pour avoir une telle punition ? »

Je me sentais mal, j’avais l’impression que le monde s’écroulait autour de moi. Ce fut un énorme choc, trop dur à accepter alors que je n’aspirais qu’à une chose : continuer mes études. J’ai pu passer cette période sombre de ma vie grâce aux personnes qui m’entourent. J’ai alors fait appel au tribunal afin d’obtenir un titre de séjour qui me permettrait d’être en situation légale sur le territoire français.

Le 30 novembre 2022, le tribunal refuse mon appel. Une fois de plus, c’est le choc. Je voulais abandonner, leur donner raison, mais grâce à mes professeur·es, mes amies, mes parents, et surtout grâce à mon professeur d’histoire de première, qui m’a donné la force par le biais de ses paroles : « Ce n’est pas le moment de se relâcher », j’ai décidé de me battre jusqu’au bout, jusqu’à l’obtention de mes papiers. Tout ce que je souhaite c’est : POUVOIR POURSUIVRE MES ÉTUDES.

J’ai décidé de me battre jusqu’au bout, jusqu’à l’obtention de mes papiers.

Je tiens à remercier mes professeur·es, mes ami·es et surtout Safia et Sathusiga, qui m’ont épaulée et soutenue durant cette période difficile. Je remercie aussi mes parents, les membres du conseil des délégués pour la vie lycéenne de mon lycée, mon ancien lycée et toutes les personnes qui m’ont soutenue jusqu’à présent.

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Carte blanche

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