Avec Arnaud Rousseau, un mélange des genres à la tête de la FNSEA

[Mise à jour] Seul candidat à la succession de Christiane Lambert, le président du groupe Avril, géant des huiles et protéines végétales, a pris comme convenu la tête du premier syndicat agricole. Avec un mot d’ordre qui n’étonnera pas : le productivisme.

Pauline Gensel  • 24 mars 2023
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Avec Arnaud Rousseau, un mélange des genres à la tête de la FNSEA
Arnaud Rousseau, futur président de la FNSEA, au dernier Salon de l'agriculture, le 1er mars 2023.
© Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP.

Mise à jour le 13 avril 2023

Comme attendu, Arnaud Rousseau a été élu président de la FNSEA jeudi 13 avril. Quelques minutes après son élection, il s’est exprimé sur Twitter en rappelant : « Je suis convaincu de notre capacité à construire des modèles plus performants, durables et résilients » À la tête du syndicat majoritaire des agriculteurs, les gens changent mais les idées restent les mêmes : le productivisme d’abord.


Première publication le 24 mars 2023

Seul candidat à la succession de Christiane Lambert, le président du groupe Avril, géant des huiles et protéines végétales, prendra la tête du premier syndicat agricole le 28 mars. Un cumul de fonctions qui interroge et laisse présager une vision de l’agriculture toujours plus industrialisée.

Il a plusieurs casquettes. Celle d’agriculteur en grande culture sur une exploitation de 340 hectares où il cultive colza, tournesol, blé et betteraves. Celle de maire de la commune de Trocy-en-Multien (Seine-et-Marne), de vice-président de la chambre d’agriculture d’Île-de-France, ou encore de président de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP).

Arnaud Rousseau est aussi président d’Avril, cinquième groupe agroalimentaire français au chiffre d’affaires de près de 7 milliards d’euros en 2021. Le 28 mars, il pourra s’affubler d’une nouvelle casquette : celle de président de la FNSEA, premier syndicat agricole, qui murmure à l’oreille du gouvernement.

Il remplacera Christiane Lambert, qui a décidé de passer la main mais qui conserve son poste de présidente du comité des organisations professionnelles agricoles (COPA), lobby auprès de l’Union européenne. L’éleveuse de truie du Maine-et-Loire avait pris la tête du syndicat agricole en 2017 suite au décès de Xavier Beulin, président de la FNSEA et… du groupe Avril. Dont la présidence est revenue à un certain Arnaud Rousseau.

Il y a de fortes chances pour que l’on reste dans le même modèle, avec peut-être une vision encore plus industrielle et technologique.

« On se retrouve à nouveau avec un président qui vient de l’agro-industrie, note François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Arnaud Rousseau, c’est un businessman, le nouveau Xavier Beulin. » Sa position au sein d’Avril interroge et laisse entrevoir une vision de l’agriculture toujours plus productiviste. « Après le mandat de Christiane Lambert, on se demande si on a encore quelque chose à perdre, soupire François Veillerette. Il y a de fortes chances pour que l’on reste dans le même modèle, avec peut-être une vision encore plus industrielle et technologique. »

OGM, pesticides et bovins connectés

Leader français des huiles et protéines végétales, Avril est présent partout, à l’image de son président. Dans l’alimentation humaine, avec des marques comme Lesieur, Isio 4 et Puget. Dans celle des animaux d’élevage, avec Sanders – numéro un français de l’alimentation animale – et Mixscience, qui constituent près d’un quart de son activité. Ou encore dans les transports, avec sa filiale Saipol, producteur de biodiesel (Diester) et de carburant « 100 % colza français ».

Par le biais de Sofiprotéol, sa société de financement, le groupe investit également dans de nombreuses entreprises, en faveur d’une agriculture et d’une alimentation « durables ». Parmi ces entreprises, Medria Solutions, qui commercialise des colliers connectés permettant d’obtenir des informations sur l’état de santé des bovins ou leurs périodes de reproduction optimales.

Mais aussi Limagrain, quatrième semencier mondial, « passionnément engagé dans la gestion responsable des OGM », qui a récemment développé un melon d’hiver et un chou-romanesco orange. Figurent aussi Innolea, créé en 2019 pour la recherche génétique sur les oléoprotéagineux, et PalmElit, qui commercialise des semences de palmiers à huile hybrides.

L’entreprise est également présente au capital d’Hendrix Genetics, leader mondial en sélection et génétique animale, dont l’une des dindes « génétiquement améliorée » figurait à la table d’Emmanuel Macron pour les fêtes de fin d’année.

Le groupe est aussi partenaire d’InVivo, dont la filiale Phyteurop développe et commercialise des pesticides. « Est-ce qu’Arnaud Rousseau sera en mesure d’impulser les changements de pratiques nécessaires aujourd’hui, pour aller vers un système moins intensif, moins dépendant des engrais et des pesticides ? s’interroge François Veillerette. Je n’en suis pas certain. »

Défense de l’agro-industrie

Il s’est d’ores et déjà prononcé sur certains sujets au cœur des débats sur l’agriculture de demain. Si ni lui ni la FNSEA n’ont répondu à nos multiples demandes d’interviews, il exprimait en novembre 2022 dans les colonnes du Figaro sa volonté d’accélérer le déploiement de mégabassines sur le territoire français, dans la lignée de Christiane Lambert.

« Sur ce sujet, la FNSEA se positionne encore une fois pour l’agriculture industrielle, estime Sarah Champagne, chargée de campagne Agriculture aux Amis de la Terre. Elle communique de plus en plus sur l’écologie, mais toujours pour défendre l’agro-industrie. »

Arnaud Rousseau s’empare aussi du sujet du renouvellement des générations : plus d’un tiers des exploitants agricoles seront partis à la retraite d’ici à dix ans, d’après les chiffres du ministère de l’Agriculture. « J’ai la conviction que l’on n’attirera pas une génération entière de jeunes agriculteurs si l’on n’offre pas la garantie à la fois de donner du sens mais aussi de vivre de son métier », défendait-il début février dans une conférence organisée par Les Échos et Le Parisien.

La FNSEA ne s’est jamais illustrée par sa défense des petits exploitants et l’arrivée d’un « businessman » à sa tête semble difficilement pouvoir changer la donne. « Se pose aussi la question de la défense du monde de l’élevage, qui va très mal aujourd’hui et fait face à de nombreux défis, d’installation, de transition, de préservation de l’environnement et de bien-être animal, ajoute Mathieu Courgeau, paysan et président du collectif Nourrir, association œuvrant à la refonte du système agricole et alimentaire. Avec un céréalier à la tête de la FNSEA, quel message envoie-t-on aux éleveurs ? Est-ce un message d’abandon ? »

Avec un céréalier à la tête de la FNSEA, quel message envoie-t-on aux éleveurs ? Est-ce un message d’abandon ?

Si la FNSEA voit son nombre d’adhérents diminuer année après année – elle en compte aujourd’hui 212 000, contre 320 000 il y a dix ans –, elle demeure le poids lourd du lobbying agricole en France. « C’est une véritable machine syndicale, qui reste très puissante à tous les échelons : local, départemental, régional, national et européen, constate Mathieu Courgeau. Ce qui lui assure une position de force et une véritable écoute auprès des pouvoirs publics. »

À la tête de ladite machine syndicale, Arnaud Rousseau sera en position d’insuffler sa vision de l’agriculture. « La probabilité d’être agréablement surpris par les politiques qu’il mettra en place est faible, concède François Veillerette de Générations futures. Mais on lui laisse sa chance. »

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