Éclats de corps

La 22e édition de la Biennale du Val-de-Marne met en relief la création chorégraphique contemporaine, aux multiples facettes, avec une inclination particulière pour le Sud.

Jérôme Provençal  • 8 mars 2023 abonné·es
Éclats de corps
« Carcass », de Marco da Silva Ferreira, est une ambitieuse pièce de groupe.
© Josée Caldeira.

Biennale du Val-de-Marne / Jusqu’au 6 avril, en divers lieux / Programme ici.

Comptant parmi les manifestations pionnières en France dans le champ de la danse contemporaine, la Biennale du Val-de-Marne – dont la première édition a eu lieu en 1981 – a été créée à l’initiative du chorégraphe Michel Caserta et de son administratrice Lorrina Niclas. Elle se déroule chaque année impaire, au printemps, et mobilise (au moins) une quinzaine de villes du département.

Inaugurée en 2013, La Briqueterie – centre de développement chorégraphique national (CDCN) du Val-de-Marne en assure désormais l’organisation, la diffusion des œuvres chorégraphiques constituant l’une des missions d’un CDCN.

Comme son nom l’indique, cette imposante nouvelle structure s’est implantée à la place d’une ancienne briqueterie, dont le superbe corps principal, authentique joyau industriel, a été préservé. Elle se dresse au nord de Vitry-sur-Seine, à la lisière de cette ville et de Villejuif.

Ayant auparavant travaillé pendant près de quinze ans avec Boris Charmatz, Sandra Neuveut dirige la Briqueterie depuis le 1er janvier 2021. «J’ai été conquise par la grande diversité et la vitalité du Val-de-Marne, déclare-t-elle. C’est un territoire bouillonnant, multiculturel, riche d’un ancrage profond dans le champ de la danse contemporaine.» ­

Guidée en particulier par un questionnement sur la place du corps dans la société, elle a lancé en septembre 2021 un nouvel événement, Excentriques, dévolu à l’exploration des marges – l’intitulé faisant aussi écho à la position excentrée, en bordure, de la Briqueterie.

C’est un territoire bouillonnant, multiculturel, riche d’un ancrage profond dans le champ de la danse contemporaine.

L’édition 2023 de la Biennale du Val-de-Marne est la première dont elle a conçu la programmation. Celle-ci se distingue par une forte présence d’artistes originaires de pays du Sud. Artiste associée de la Briqueterie sur la période 2021-2023, la très pugnace chorégraphe et danseuse ivoirienne Nadia Beugré – qui vit principalement en France mais retourne fréquemment en Côte d’Ivoire – fait ainsi l’objet d’un focus substantiel. Y figure notamment sa nouvelle création, Filles-Pétroles, conçue en majeure partie à Abidjan avec deux jeunes danseuses ivoiriennes.

Également artiste associé de la Briqueterie sur la période 2021-2023, le chorégraphe et danseur-performeur brésilien Volmir Cordeiro – installé en France depuis une dizaine d’années – présente lui aussi sa nouvelle création, Abri, véhémente pièce de groupe axée autour de clowns queers et portée par un désir de résistance à toutes les formes d’oppression du vivant.

Expérience sensorielle intense

Autre nouvelle création très attendue : THIS IS NOT « an act of love & resistance » de la chorégraphe et danseuse catalane Aina Alegre. Quatre danseuses, un danseur queer et quatre musiciennes de jazz (prenant aussi part à la composition chorégraphique) font advenir sur scène une communauté aussi ardente que turbulente. S’inscrivant dans un dispositif scénographique d’une grande puissance suggestive, via notamment la lumière et la musique, la pièce – très dense – happe d’emblée et génère une expérience sensorielle particulièrement intense.

Figure montante de la scène européenne, le Portugais Marco da Silva Ferreira dévoile, quant à lui, Carcass, ambitieuse pièce de groupe, pour dix interprètes et deux musiciens. Divers styles chorégraphiques contemporains (voguing, kuduro, house…), très remuants et innovants, s’y confrontent à des danses folkloriques, aux formes apparemment inamovibles : scandée par une musique aux pulsations rapides, une réflexion extrêmement physique sur le corps, individuel et collectif.

Du côté de la transmission du patrimoine, versant important de la Biennale, cette édition invite à (re)découvrir notamment Necesito, pièce pour Grenade (1991). Ultime pièce du chorégraphe français Dominique Bagouet (mort du sida en 1992), cette fresque virevoltante inspirée par l’Andalousie se redéploie aujourd’hui sur scène avec de jeunes élèves du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, sous la conduite de la danseuse et chorégraphe Rita Cioffi, l’une des interprètes de la version originelle.

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Spectacle vivant
Temps de lecture : 3 minutes