Faire des jeunes des quartiers des acteurs de l’histoire

Cérine Hallam,étudiante en licence santé et société, s’est rendue à Atlanta avec des jeunes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil. Elle raconte son expérience.

Politis  • 22 mars 2023
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Faire des jeunes des quartiers des acteurs de l’histoire
Peinture de rue en hommage à Evelyn Gibson Lowery, activiste américaine des droits civiques, dans le quartier historique de Sweet Auburn à Atlanta.
© Compte Instagram de Pop Part 2.

Fin février, Cérine Hallam, étudiante en licence santé et société, s’est rendue à Atlanta avec des jeunes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil (93). La ville natale de Martin Luther King était la troisième étape de Pop Part 2, projet du collectif AClefeu. Ces étudiants avaient auparavant rencontré des militants ayant œuvré dans leurs villes après les révoltes de 2005 et des activistes historiques de la banlieue lyonnaise.


Au cours de ce séjour à Atlanta, j’ai pu rencontrer des militants et des défenseurs des droits civiques. Nous avons rencontré Charles Black lors de « la Nuit des idées », organisée par la villa Albertine. Le thème de la soirée était : « Plus de justice : défendre nos droits, réaliser nos rêves ». Il nous a décrit sa participation à la marche de 1963 à Washington et la lutte contre la ségrégation raciale.

J’ai également pu découvrir des lieux chargés d’histoire (la maison, la chapelle et le mémorial de Martin Luther King) et visiter des musées tels que le National Center for Civil and Human Rights et le Musée d’histoire d’Atlanta, qui m’ont permis de renforcer ma compréhension de la lutte contre le racisme et les discriminations. Ce projet est d’une grande importance car il rend hommage à toutes les victimes des discriminations dans le monde, aux États-Unis comme en France.

Atlanta regorge de lieux commémoratifs. Partout où l’on va, on trouve un mot, une phrase, un graffiti d’une personnalité marquante. Dans les rues, les murs sont de véritables œuvres d’art. Pour les Américains, c’est un moyen d’expression qui met en lumière leur histoire et leurs combats. Notre séjour se déroulait en plein Black History Month, le mois consacré à l’histoire de la diaspora africaine.

Atlanta regorge de lieux commémoratifs. Partout où l’on va, on trouve un mot, une phrase, un graffiti d’une personnalité marquante.

A contrario, alors que nous célébrons cette année en France le quarantième anniversaire de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, j’ai découvert l’histoire des luttes contre les discriminations de mon pays (pour les droits des travailleurs immigrés et la carte de séjour, contre la double peine et les violences policières) avec ce projet Pop Part 2. Je ne l’ai jamais étudiée, ni durant mes études secondaires ni à l’université.

Ce voyage m’a donné l’occasion de découvrir la vie américaine. Il était marquant de marcher dans les rues et de recevoir des salutations, des compliments, de l’aide de tous les côtés. Je ne ressentais aucun regard ou jugement sur moi comme cela peut être le cas en France. Je me sentais française. Personne ne pouvait m’enlever cela et j’en étais fière.

Notre société a tendance à mettre des normes sur tout, ce qui accentue les préjugés sur les personnes qui sortent de ce cadre. Les Américains vivent leur vie comme bon leur semble et cela se ressent. J’ai été frappée en revanche de voir le nombre de SDF dans les rues. L’inégalité de richesse est plus forte que chez nous.

Ce séjour m’a permis d’échanger avec des jeunes sur les similitudes et les différences entre nos vies. À la mairie d’Atlanta ainsi qu’à Morehouse College (fondée en 1867, juste après l’abolition de l’esclavage, c’est l’une des universités noires les plus prestigieuses des États-Unis), nous avons discuté avec des étudiants africains-américains qui nous ont décrit les défis et les obstacles auxquels ils sont confrontés quotidiennement.

Ils ont pu accéder à l’université grâce à des bourses. Il est évident qu’ils considèrent l’engagement dans la vie universitaire et associative comme primordial et que le soutien à des causes est important pour eux. Cela forme un contraste avec notre propre génération, qui tient souvent les choses pour acquises et s’engage moins.

Connaître notre histoire nous aide à mieux comprendre les enjeux actuels de la lutte pour l’égalité et la justice sociale.

Ces jeunes m’ont rappelé l’importance de l’éducation et de la sensibilisation pour lutter contre les préjugés et les discriminations. Connaître notre histoire nous aide à mieux comprendre les enjeux actuels de la lutte pour l’égalité et la justice sociale. Cette histoire est notre héritage et elle fait partie de notre identité.

Avec les participants du projet Pop Part 2, nous voulons donc développer un plaidoyer pour une reconnaissance de ces luttes françaises dans nos programmes scolaires notamment. Je suis convaincue que notre engagement et notre détermination feront la différence pour que nous, jeunes des quartiers populaires, soyons aussi des acteurs de notre histoire. 

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Carte blanche

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