Bérurier noir : la suite dans les idéaux
Bérurier noir a 40 ans. Ayant livré un intense combat dans les années 1980 au sein de ce mythique groupe post-punk, François Guillemot reste actif dans la musique tout en menant une seconde vie dédiée à la recherche.
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Chanteur à la voix surpuissante, François Guillemot a été – sous le doux surnom de Fanfan (ou Fanxoa) – l’élément phare des Bérus, cette bande incontrôlable de chenapans libertaires fièrement dressée, dans un barouf de tous les diables, contre l’oppression et l’injustice. Silencieux depuis 2006, hormis pour la chanson « Mourir à Paris » enregistrée en 2015 en réaction aux attentats terroristes, le groupe célèbre les quarante ans de sa naissance tout au long de 2023 avec des rééditions vinyles colorées (limitées à 1 000 exemplaires) de huit disques emblématiques. Ce mois-ci, c’est le maxi 45 tours Joyeux Merdier (1985) qui nous revient, sur lequel figurent les hymnes ravageurs « Vive le feu » et « Salut à toi ».
La folle épopée de Bérurier noir a démarré le 19 février 1983 avec un concert, devenu légendaire, à l’Usine de Pali-Kao, haut lieu alternatif parisien dans les années 1980. Que retenez-vous de ce concert ?
J’en garde le souvenir d’un moment important. Ce que nous avons fait ce jour-là relevait de la performance (au sens artistique), de l’acte unique, qui n’avait pas vocation à être réitéré ou prolongé. L’équipe de l’Usine de Pali-Kao ne voulait pas de concerts au format classique. Pour la circonstance, nous avions aménagé l’espace de manière très particulière, dans une esthétique gothique post-punk. Par exemple, en arrière-scène, il y avait de grandes tentures sur lesquelles se détachait notamment une tête de Nietzsche décapitée, que j’avais dessinée.
Nos copains d’Abattoir – un collectif d’artistes dont je faisais partie – avaient reconstitué une guillotine. Ma sœur avait réalisé un grand portrait de Frankenstein, etc. Restée dans les mémoires, cette première apparition du groupe a été filmée. Mathieu Szpiro, le percussionniste du groupe Guernica (qui jouait en tête d’affiche ce soir-là), a retrouvé tout récemment les bandes, très abîmées, et a commencé à les restaurer. On va donc pouvoir très bientôt découvrir des extraits filmés de ce concert, environ dix, quinze minutes. C’est assez incroyable.
D’abord un duo minimaliste à l’univers froid et malaisant, formé par vous et le guitariste Loran, le groupe s’est peu à peu agrandi tout en s’orientant vers un rock beaucoup plus étoffé, agitéet rassembleur. Comment s’est opérée cette mutation ?
Naturellement, au gré des rencontres. Dans la configuration initiale, en duo, nous cherchions à faire une sorte de rock électronique, très minimaliste et un peu barré, inspiré notamment par Suicide, DAF ou Throbbing Gristle. Des morceaux comme « Nada » et « Lobotomie » sont vraiment emblématiques de cette période. Ensuite, d’autres camarades – hommes et femmes – ont rejoint l’aventure, notamment Helno [futur chanteur des Négresses vertes, NDLR], la Petite Titi et la Grande Titi. Des aficionados du duo ont crié à la dérive commerciale face à l’évolution musicale.
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