« Love Life » : lendemains de tragédie

Avec son dixième long-métrage, Kōji Fukada s’impose dans le cinéma japonais.

Christophe Kantcheff  • 13 juin 2023 abonné·es
« Love Life » : lendemains de tragédie
Bien que chargé de chagrin, de heurts et de trahisons, Love Life dispense une douceur qui n’a rien d’une édulcoration.
© Love Life Film Partners / Comme des cinémas

Love Life, Kōji Fukada, 2 h 04.

Au début, la situation est somme toute banale. Lors d’une réunion de famille, le père de Jiro s’en prend vivement à sa bru, Taeko (Fumino Kimura), parce que, quelque temps auparavant, elle a pris la place de celle qui devait se marier avec son fils (Kento Nagayama). Elle est pour lui illégitime, d’autant que Taeko n’a pas encore « donné » d’enfant à Jiro (dixit les grands-parents), son fils, Keita (Tetta Shimada), étant né d’une précédente union. Puis le psychodrame laisse place à une atmosphère plus apaisée, parce qu’on célèbre malgré tout les 65 ans du grand-père et qu’une petite fête a lieu dans l’appartement.

Love Life est le dixième long-métrage du quadragénaire Kôji Fukada, qui, à l’instar de Ryūsuke Hamaguchi, occupe une place de plus en plus importante dans le cinéma japonais. Comme dans certains de ses films précédents – Sayōnara (2015), Harmonium (2016), Le Soupir des vagues (2019)… –, un événement vient bouleverser un équilibre déjà fragile. Ici, il s’agit d’un deuil tragique. Outre qu’il plonge chacun des protagonistes dans une affliction sans fond, il va révéler des non-dits, des flux d’amour clandestins (« Love Streams », dirait Cassavetes), liés à leur passé, qui les traversent.

Délicatesse

Ainsi réapparaît dans ces circonstances le premier mari de Taeko, Park (Atom Sunada), sourd-muet, sans domicile fixe, et étranger au pays puisque coréen. Il est le père de Keita. Comme tous les personnages imaginés par Kôji Fukada, Park est un être complexe. Écorché et menteur, presque immature. Il réveille en Taeko la nécessité de lui apporter de l’aide. Ce qui ne peut que déplaire à Jiro, qui lui-même retrouve son premier amour.

Bien que chargé de chagrin, de heurts et de trahisons, Love Life dispense une douceur qui n’a rien d’une édulcoration. À la violence des sentiments correspond la délicatesse de la mise en scène, conforme à la chanson qui donne son titre au film, « Love Life », dont la mélodieuse mélancolie exprime l’amour et la séparation. Il est dit à un personnage, Jiro, qu’il est incapable de regarder dans les yeux la personne qu’il a face à lui. Le mouvement du film amène les protagonistes, malgré leurs blessures, à devoir continuer à vivre – comme après un séisme. Mais désormais sans que leur regard puisse fuir ailleurs que sur l’amour qu’ils ont à reconstruire.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes