Remettre la forêt au cœur de la commune

Pour Noëllie Hestin, maire de Sainte-Marie-aux-Mines, touchée par la désindustrailisation, l’avenir de la commune passe par la forêt. Avec son équipe municipale, elle multiplie les actions avec ses usagers, de l’exploitation aux loisirs.

• 21 juin 2023
Partager :
Remettre la forêt au cœur de la commune
© Mairie de Sainte-Marie-aux-Mines.

Depuis le début du siècle dernier, la commune de Sainte-Marie-aux-Mines est passée de 12 000 à 5 000 habitants. L’exploitation minière de plomb et d’argent puis l’industrie textile se sont effondrées. Pour sa maire, Noëllie Hestin, l’avenir de la commune passe par la forêt. Avec son équipe municipale, elle multiplie les actions avec ses usagers, de l’exploitation aux loisirs.


« On aura l’ivresse d’être vivants. On verra la vieillesse autrement. On laissera nos richesses aux suivants. » C’est par ces paroles du duo Les Frangines que s’est ouvert récemment le concert de la chorale du lycée de Sainte-Marie-aux-Mines. Vivre autrement, pour laisser nos richesses aux suivants. Autant dire que ce chant a résonné.

Je me demande souvent si c’est parce que je suis mère que je suis devenue maire. Sans doute. Avec toute l’équipe, nous venons d’horizons très divers. Nous ne nous connaissions pas forcément avant l’aventure municipale, mais nous nous sommes retrouvés autour d’un objectif commun : comment apporter notre contribution à la transition de notre commune ? Nous avons tout pour vivre bien à Sainte-Marie-aux-Mines. Mais comment faire pour que nos enfants et leurs enfants après eux puissent y trouver la même qualité de vie ? L’angoisse suscitée par les enjeux climatiques globaux peut vite nous faire perdre pied. Alors nous avons choisi de penser ces enjeux à l’échelle de notre cité et de notre vallée, pour mobiliser nos capacités de foisonnement d’idées, de raisonnements concrets, d’accomplissements adaptés à notre réalité.

Sainte-Marie-aux-Mines, c’est un peu plus de 5 000 habitants sur 45 km2, dont 35 sont couverts par la forêt du massif vosgien. Offrant matériau de construction et combustible, la forêt a contribué à l’essor de Sainte-Marie lors de ses deux âges d’or : l’exploitation minière de plomb et d’argent aux XVIe et XVIIe siècles et l’industrie textile aux XIXe et XXe. Mais, depuis les années 1960, le territoire est en déprise – industrielle et, partant, démographique. La ville comptait 12 000 habitants au début du XXsiècle ! Soyons lucides, elle ne retrouvera pas une telle démographie, et ce n’est pas souhaitable. L’enjeu est cependant de stabiliser la population, pour la vitalité des services publics et des activités économiques, et pour nous projeter sereinement dans les prochaines décennies.

Nous ne protégeons que ce que nous connaissons bien, nous avons donc lancé une démarche de sensibilisation.

Si nous travaillons sur les autres pans de la vitalité d’un territoire, comme l’urbanisme, la mobilité, le bien-vivre à tous les âges, etc., la forêt a son rôle à jouer. Elle nous offre notre eau de source (et quelle eau !). Elle est puits de carbone, refuge de biodiversité, rafraîchissante quand les températures grimpent. Or la forêt souffre. Elle souffre de la sécheresse qui gagne progressivement nos territoires pourtant montagneux. Elle souffre de cycles climatiques bouleversés qui favorisent la prolifération d’insectes certes utiles à la décomposition des bois mais rendus nuisibles par leur nombre. Enfin, elle souffre du gibier, trop présent par manque de prédateurs naturels, et qui empêche sa régénération naturelle. À Sainte-Marie, nous n’avons quasiment plus de résineux de moins de 30 ans.

Comme nous ne protégeons que ce que nous connaissons bien, nous avons lancé une démarche de sensibilisation. Des circuits de randonnée thématiques pour aborder les multiples fonctions de la forêt et mieux connaître ce milieu, la restauration d’un forestum, la création d’une forêt cinéraire. Ces actions sont menées avec les différents usagers de la forêt : de l’exploitation aux loisirs. Si le grand public réagit bien à ces actions, il y en a une dont l’ampleur et les suites nous enthousiasment particulièrement : le travail avec les écoles. Dans le cadre des journées internationales des forêts de 2022, nous avions proposé aux équipes enseignantes et aux élèves de venir planter des arbres et observer leur développement. Les enseignants en ont fait le thème de l’année, des forêts de dessins ont poussé sur les murs des écoles, les chants des kermesses n’étaient qu’éloges aux végétaux. Certaines salles de classe ont même été rebaptisées.

Devant l’émulation suscitée, nous avons sollicité la Fédération des communes forestières, qui développe le programme « Dans mille communes, la forêt fait école ». Le principe est d’éduquer les enfants à la conduite durable d’une forêt et de son écosystème. Aussi, une parcelle forestière a été confiée aux écoles élémentaires. Construction de sentiers, cours de maths en forêt, plantations, analyses paysagères. Les enseignants et les enfants seront libres d’y faire émerger ce qu’ils souhaitent. Les professeurs projettent désormais se former à l’école du dehors, et nos enfants pourront se reconnecter au monde qui les entoure.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Publié dans
Carte blanche

La carte blanche est un espace de libre expression donné par Politis à des personnes peu connues du grand public mais qui œuvrent au quotidien à une transformation positive de la société. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.

Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Du public de la Philharmonie, j’ai reçu des coups de pied et de poing, des crachats, des insultes »
Carte blanche 18 novembre 2025

« Du public de la Philharmonie, j’ai reçu des coups de pied et de poing, des crachats, des insultes »

Après le concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à Paris, le 6 novembre, et la pluie de coups dont il a été la cible, Rayan*, militant pro-palestinien, s’exprime pour la première fois. Il revient sur le lynchage dont il a été victime et la répression qui s’en est suivi.
COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »
Carte blanche 17 novembre 2025

COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »

En Équateur, les conséquences sanitaires l’exploitation d’hydrocarbure, qui pollue l’air et les eaux, sont connues depuis des décennies. Leonela Moncayo, 15 ans, mène un combat contre ces torchères avec les Guerrières de l’Amazonie. Témoignage.
Par Patrick Piro
Nous, victimes d’attentats, dix ans à rechercher la vie
Carte blanche 13 novembre 2025

Nous, victimes d’attentats, dix ans à rechercher la vie

Le 13 novembre 2015, Yann était attablé avec des amis au restaurant parisien, Le Petit Cambodge. Dix ans plus tard, il continue de poser des mots sur ses souvenirs. Et cherche encore à agrandir ses « cercles d’empathie » pour résister face aux faiseurs de haine.
« Un “tous ensemble” féministe de lutte de classes »
Carte blanche 9 novembre 2025

« Un “tous ensemble” féministe de lutte de classes »

Le 25 novembre 1995, 40 000 femmes et hommes défilaient à Paris pour défendre le droit à l’avortement, l’égalité et la liberté, à l’appel de la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac). Ingrid Darroman, pour la Fondation Copernic, se souvient.
Par Ingrid Darroman