Ben Harper : une simplicité lumineuse

Dix-huitième album studio pour Ben Harper. Une collection de chansons intimes, sur un mode minimal, comme pour en garder toute la force émotionnelle.

Jacques Vincent  • 12 juillet 2023 abonné·es
Ben Harper : une simplicité lumineuse
Des compositions intimistes qui tranchent avec l'album précédent, plus engagé.
© Michael Halsband

Wide Open Light / Ben Harper / Chrysalis Records-Modulor.

Le nouvel album de Ben Harper a été annoncé par un extrait largement diffusé sur les radios, ce qui pour une fois se justifiait tant « Yard Sale » est, dans sa simplicité, d’une beauté pétrifiante (voir vidéo en fin d’article). L’histoire est racontée de manière très visuelle, presque cinématographique. On en suit le déroulement à travers les yeux du narrateur, qui voit son amoureuse venir prendre ses affaires après avoir effectué un tri, ce qui fait ressembler la scène à un vide-maison (traduction possible du titre de la chanson) alors qu’une voiture dont le moteur tourne au ralenti l’attend dans la rue. Plus question dès lors de faire semblant que quelque chose peut encore être rattrapé, ni même espérer un dernier câlin d’adieu, il faut passer directement à la conclusion : « Je suis sûr qu’elle est partie pour de bon. » Une chanson parfaite dans sa construction, son instrumentation (deux guitares, dont celle de Jack Johnson en invité) et son interprétation sans pathos, mais avec une douceur qui dit à la fois la tristesse de la résignation et cet engourdissement des sens qu’elle procure et qui ressemble presque à de la sérénité.

Ben Harper wide open light

« Yard Sale » annonçait aussi, au moins dans sa forme, la teneur d’un disque contrastant avec le précédent, Bloodline Maintenance, enregistré avec son groupe, The Innocent Criminals, et aux chansons très engagées. Ce qui ne signifie pas un désintérêt pour l’état du monde de la part de quelqu’un qui déclarait il y a un an vouloir quitter les États-Unis pour s’installer en France, ne supportant plus ni le racisme, ni la prolifération des armes, ni la décision de revenir sur le droit à l’avortement. « Tout cela est devenu trop toxique pour moi », déclarait-il au journal Libération.

Mais Wide Open Light, son dix-huitième album studio, que son auteur tient à présenter comme une collection de chansons, peut-être pour signifier qu’il ne faut pas y chercher de thème fédérateur, rassemble des compositions plus intimistes, dont quelques chansons d’amour, pas toutes malheureuses comme le montre le magnifique « Masterpiece » (« T’aimer est mon chef-d’œuvre »). S’il faut trouver une autre constante, ce sera dans une instrumentation acoustique et minimale, reposant essentiellement sur les guitares jouées en picking ou en slide. Comme un rappel de l’histoire de ce musicien qui a grandi dans un magasin d’instruments de musique et s’est très tôt familiarisé avec le blues, le folk, le gospel et la soul. Et qui, après trente ans de carrière, maîtrise au plus haut point l’art de la simplicité lumineuse.

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Musique
Temps de lecture : 3 minutes