Le Festival d’Avignon veut regarder le réel en face

Avec Welfare, de la metteuse en scène Julie Deliquet, et G.R.O.O.V.E, de la chorégraphe Bintou Dembélé, la 77e édition du Festival d’Avignon s’est ouverte sur un fort désir de se relier au monde, à ses violences récentes et plus anciennes. Faute de formes à la hauteur, les propos peinent hélas à résonner. 

Anaïs Heluin  • 12 juillet 2023 abonné·es
Le Festival d’Avignon veut regarder le réel en face
G.R.O.O.V.E dénonce sans détour les violences policières, mais sans produire une réflexion nouvelle.
© Christophe Raynaud de Lage

Le choix de G.R.O.O.V.E comme premier spectacle de la 77e édition du Festival d’Avignon, qui se tient du 5 au 25 juillet, dit beaucoup du désir de son nouveau directeur, Tiago Rodrigues, d’ouvrir la manifestation à des esthétiques peu représentées jusque-là. Il exprime aussi sa volonté de mettre le plus grand rendez-vous théâtral de France en phase avec la question de l’injustice sociale. Créée par la chorégraphe Bintou Dembélé, qui en près de quarante ans de carrière a su enrichir sa culture hip-hop de nombreuses autres influences – elle revendique la pratique d’une « danse marronne », en référence à l’autolibération des esclaves en contexte colonial –, cette pièce déambulatoire veut célébrer les cultures populaires dans tous types de lieux. Après avoir retiré ses places à l’Opéra Grand Avignon, c’est ainsi en extérieur, face au Palais des papes, que l’on assiste au premier tableau du spectacle.

Entourées par une quinzaine d’artistes immobiles, en tenues où l’urbain d’aujourd’hui se mêle au faste du ballet du XVIIIe siècle, Bintou Dembélé et la chanteuse Célia Kameni peinent à faire exister leur duo. Vaste et très peuplé, l’espace se prête mal à cette introduction intimiste. Pléthorique, l’équipe du festival empêche l’accès à l’œuvre au lieu de la faciliter. Le contexte de violences urbaines consécutives à la mort de Nahel le 27 juin y est pour quelque chose : le dispositif de sécurité du Festival a été revu à la hausse. Si bien qu’en plus des agents d’accueil détaillant longuement le comportement à adopter entre chaque partie du spectacle, des forces mobiles employées pour l’occasion entourent artistes et public. Appliqué à une proposition dénonçant sans détour les violences policières, notamment dans une scène de rituel pour un jeune homme décédé, le dispositif produit une gêne que n’apaise pas la danse.

G.R.O.O.V.E a tendance à disparaître sous le poids du festival. Le rapport complexe de Bintou Dembélé à l’institution, entre rejet et désir de reconnaissance, explique en partie le phénomène. En convoquant dans sa pièce de nombreux langages étrangers les uns aux autres – ceux du hip-hop, du krump et d’autres danses urbaines, de l’électro, mais aussi du ballet –, l’artiste ne

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Théâtre
Temps de lecture : 5 minutes